theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « J'aurais voulu être égyptien »

J'aurais voulu être égyptien

d'après Chicago de Alaa El Aswany

: Extrait

Nagui, seul dans sa chambre. L’une des actrices va se placer au micro pendant le jeu de Nagui et c’est elle qui fait la voix au téléphone, pendant qu’une autre (celle qui sera plus tard Douna) est dans le fond sur la terrasse (à vue ou non).


NAGUI. — Je me levai du lit et décrochai le téléphone pour demander à l'employée du bureau d'accueil si j'avais le droit de recevoir une amie dans mon appartement.


L’EMPLOYEE. — Bien sûr, vous en avez le droit. Vous êtes dans un pays libre, mais le règlement interdit que votre amie passe la nuit avec vous. Elle doit partir avant dix heures du soir.


NAGUI. — Les propos de l'employée redoublèrent mon excitation. Je savais que la prostitution était interdite à Chicago, mais je me rendis tout à coup compte qu'elle y portait un autre nom. Je trouvai dans l'annuaire des annonces pour de belles femmes proposant des "massages spéciaux". J'appelai. L'écouteur collé à mon oreille, sous le coup de l'émotion, j'entendais très forts et très rapides les battements de mon coeur. La voix douce et ensommeillée d'une femme parvint à mon oreille.


DOUNA. — Qu'y a-t-il pour votre service ?


NAGUI précipitamment. — Je veux une belle femme pour me masser.


DOUNA. — Cela vous coûtera deux cent cinquante dollars l'heure.


NAGUI. — C'est trop cher, je suis étudiant et je n'ai pas beaucoup d'argent.


DOUNA. — Comment t'appelles-tu ?


NAGUI. — Nagui, et toi ?


DOUNA. — Moi, c'est Douna. D'où viens-tu ?


NAGUI. — D'Égypte.


DOUNA avec enthousiasme. — L’Égypte ? Ah comme je l'aime ! Je rêve d'aller un jour aux pyramides, de monter sur un chameau et de voir des crocodiles dans le Nil. Dis-moi, Nagui, ressembles-tu à Anouar al-Sadate ? Il était très beau.


NAGUI. — Tout à fait. Je ressemble tellement à Anouar al-Sadate que beaucoup de gens pensent que je suis son fils. Comment le savais-tu ?


DOUNA. — C'était une simple supposition. Que fais-tu en Amérique ?


NAGUI. — J'étudie à l'université de l'Illinois. Ecoute-moi, je t'inviterai l'hiver prochain à passer des vacances en Égypte. Qu'en penses-tu ?


DOUNA. — C'est le rêve de ma vie.


NAGUI. — Je te le promets, mais, mon amie, je ne peux pas payer deux cent cinquante dollars une heure d'amour.


(Elle resta un moment silencieuse puis me dit à voix basse)


DOUNA. — Je vais faire un effort, Nagui. Raccroche le téléphone et appelle-moi dans cinq minutes.


NAGUI. — L'inquiétude s'empara de moi : pourquoi avait-elle ainsi mis fin à la conversation? De quoi avait-elle peur? Est-ce qu'elle était surveillée par la police? Avaient-ils enregistré mon numéro de téléphone? Est-ce qu'ils allaient m'arrêter en m'accusant d'être entré en relation avec un réseau de prostitution ? Quel beau début pour une mission scientifique de bon augure ! L'angoisse s'empara de moi. Je commençais à regretter cette aventure, mais je n'étais pas capable de revenir en arrière. Au bout de cinq minutes, je la rappelai.


DOUNA. — Je te fais une proposition en dehors de ma société. Au lieu de deux cent cinquante dollars, je viendrai moi-même pour seulement cent cinquante dollars l'heure.
C'est une proposition spéciale de la part de Douna parce que tu es un bel Egyptien comme Sadate. Si j'étais à ta place, j'accepterais immédiatement.

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.