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Huis clos

+ d'infos sur le texte de Jean-Paul Sartre
mise en scène Vladimir Steyaert

: À propos de l’enfer de Sartre

Àpremière vue, Huis clos peut apparaître comme une mise en parole et en action sur une scène de théâtre de la philosophie de Sartre. En effet, L’Être et le Néant a été publié en 1943 (soit un an avant la première de Huis clos) et contient les deux thèmes forts de la pièce : l’enfermement et le rapport à autrui. Cependant, il serait réducteur de limiter cette pièce à ce point de vue car Huis clos est avant tout une formidable machine théâtrale et Sartre évite de tomber dans un théâtre d’idées en donnant vie à des personnages complexes et en situant l’action, non pas dans un lieu concret et identifiable, mais dans un espace irréel, l’enfer.
On est très éloigné de la vision classique de l’enfer telle que Dante a pu l’écrire car l’espace dans lequel sont enfermés les personnages s’apparente plus à une chambre d’hôtel qu’à une prison bien qu’il en possède de nombreuses caractéristiques : absence de fenêtres et privation de certains objets. Le public fait office de quatrième mur et de fait, se retrouve dans la position du maton observant avec plus ou moins de sadisme « ses détenus » s’entredéchirer. En effet, Garcin, Inès et Estelle se montrent incapables de cohabiter si bien que, au cours de la pièce, on va découvrir avec eux que leur supplice est de devoir vivre ensemble pour l’éternité dans un seul et même lieu.
Ces personnages sont des « salauds », des « lâches » et vont apprendre à leurs dépens que « l’enfer, c’est les autres ». Il ne faut pas entendre cette phrase comme une critique de la vie en société. « Si les rapports avec autrui sont tordus, viciés, alors l’autre ne peut être que l’enfer. Pourquoi ? Parce que les autres sont au fond ce qu’il y a de plus important en nous-mêmes pour notre propre conscience de nous-mêmes » (Jean-Paul Sartre, Un théâtre de situations, Paris, Gallimard, 1973, p 238)
Le problème fondamental de ces personnages est qu’ils sont de mauvaise foi et ont fait preuve de sadisme dans leur vie terrestre : au moment de l’action de la pièce, ils sont des morts-vivants, ce qui leur enlève même la liberté de se suicider ! Le fait qu’ils soient trois va les empêcher de créer des alliances entre eux car si un duo se forme, le « rejeté » va tout entreprendre pour le faire capoter. Ainsi leur coexistence dans ce huis clos ne pourra être qu’infernale car ils vont se retrouver chacun face à leurs propres démons tout en devant assumer en permanence le regard d’autrui (Les Autres fut d’ailleurs envisagé un temps par Sartre comme titre de la pièce). Ce regard peut non seulement être accusateur, moqueur ou méprisant, mais surtout il s’avère que tous les trois vont s’en montrer dépendants, notamment car ils sont enfermés dans un espace sans miroir, donc la conscience de leur apparence extérieure ne peut exister qu’à travers les autres, ce dont chacun va jouer avec beaucoup de sadisme.
« Je suis regardé dans un monde regardé » (Jean-Paul Sartre, L’Être et le Néant, Paris, Gallimard, 1943, p 238)
C’est cette dépendance qui crée une véritable torture psychologique et qui va « vicier » leurs rapports. Ainsi, dans l’enfer de Sartre, il n’y a pas besoin de bourreau ou de gardien car les personnages le deviennent pour les autres mais surtout pour eux-mêmes. On arrive alors à un système carcéral ultra sophistiqué où, pour faire un clin d’oeil à Michel Foucault, les enfermés prennent en charge leur propre surveillance et leur propre punition.

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