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Georges, ou tout ce qui file entre les doigts

+ d'infos sur le texte de Gilles Laubert
mise en scène Gilles Laubert

: Extrait

Le théâtre représente un appartement. Georges - un homme d’une soixantaine d’année - chantonne en nettoyant la cage de son oiseau


GEORGES.(il chante) « Mon histoire c’est l’histoire d’un amour, ma complainte c’est la plainte de deux coeurs »…


La sonnerie de la porte retentit. Il écoute et ne bouge pas. Deuxième coup de sonnette. Il ne bouge toujours pas. Troisième coup. Il regarde vers la porte sous laquelle une enveloppe est glissée. Il s’approche prend la lettre et la décachette. Il lit.


« A l’intention de Monsieur George DUBOIS-DUNILAC : Intervention des pompiers-sanitaires de l’action sociale. Dès 10h vous devrez avoir quitté votre logement »


S’adressant vers la porte :


Allez-vous faire foutre! Les chambardements, les chamboulements et tout votre Saintfrusquin de papier d’assignation à déguerpir, ce n’est pas encore au Georges qu’on va les faire. Ici c’est ici. C’est chez moi. Ce n’est pas vrai que vous pouvez me déguerpir comme ça ; je suis un suisse, quand même. Le Georges ce n’est pas un moins que rien. Alors bernique ! Passez vos chemins messieurs les huissiers de la justice.


Il écoute.


Voilà. Ils ont compris.


S’adressant à l’oiseau.


Pas mon Rouchonnet des Colonies du soleil ? qu’on ne me la fait pas. Faudrait pas aller croire qu’on peut faire ce qu’on veut avec moi. Jamais. Le Georges il ne s’est jamais laissé faire. J’avais prévu. Des provisions j’en ai faites. Des boites. Alors le déguerpissement ce n’est pas encore d’aujourd’hui que ça va se passer. Trois mois. Trois mois que je résiste. Tout seul. Bien enfermé qu’il est resté le Georges. Alors tu vois Rouchonnet cet ordre d’expulsion, j’ai autant à mieux faire que de le bruler.


Il brûle la lettre et l’enveloppe, et chantonne


« Un roman comme tant d’autres, qui aurait pu être le vôtre, gens d’ici ou bien d’ailleurs». Et voilà. Pourrons encore venir. Trouverons à qui parler. Ce n’est encore pas l’habitude de résister qui me manque. C’est depuis tout petit que j’ai du l’affronter, l’adversité. Alors les batailles ça me connaît. Hein mon Rouchonnet? Toi tu le sais que je suis un vrai dur de la tête dans les idées et les combats. Et ça, bien avant qu’on se connaisse. Je te l’avais dit déjà ça ? Tu crois que je te l’ai dit ? Je ne sais plus. Attention Georges faudrait pas te laisser aller à radoter. Enfin n’importe. Puisque ça me vient dans l’esprit de le dire, hein mon petit ! Oui alors, les combats ! à la maternelle ! rien qu’avec cette histoire de blondeur dans les cheveux il a tout de suite fallu que je me batte. Juste pour me la faire, ma vie. Et c’est vrai, jamais ça ne se passe comme on le prévoyait. Moi jamais je ne l’aurais imaginé que je me retrouverais un jour dans une ville comme la Genève internationale des droits humains. Mais, voilà, une destinée je l’avais « Bernique de bernique —j’ai dit—j’ai beau être blond je ne me laisserai pas moissonné comme les blés ». Alors tu vois, ce n’est pas encore d’aujourd’hui qu’ils lui feront peur.


Au Georges. Oui, depuis toujours tout dressé sur les pointes les griffes toutes en dehors, « Vous direz, vous pouvez faire, mais moi : bernique de bernique! Je ne me laisserai pas faire ! Ce que je suis, je le deviendrai » Même l’instituteur, la retraite, devant moi, il devait bien la battre. La queue entre les jambes !... comme Napoléon laissant derrière lui Moscou fumant. Alors là, oui !... que bernique de bernique jamais le Georges il va se laisser intimider. Faut grandir DEVIENS CE QUE TU ES. Tu m’écoutes mon Rouchonnet ? Pas que je parle sans que tu t’en occupes, pas que je reste juste tout seul à me défendre.


Il accroche la cage.


Vraiment on peut dire que t’es un tout joli et je le vois bien que tu m’écoutes alors je te disais du temps où j’étais tout jeune. Avant ma rencontre avec l’Ahmed. Pas froid aux yeux, le Georges. Je ne voulais pas rester dans le chemin tout tracé. Rien ne me faisait peur. Mais des bagarres et des conflits! Une vraie campagne militaire qu’elle a été toute ma vie dans l’enfance, à supporter les quolibets « Tataouine ! Pédé ! Oh la fifille à sa maman ! la salope toute blonde ! ». Rien, on ne lui a rien donné au Georges. Du se battre. Oui, même pour le devenir un apprenti dans la haute couture, vrai que j’ai dû batailler « Trop grandes vos mains mon petit trop grandes pour une petite main. Non, on ne peut pas vous prendre ». Mais le Georges il s’est pas laissé démonter «Donnez-moi du fil et une aiguille avec le plus petit chas qui se puisse trouver », qui se puisse trouver, oui ! Dans un français comme ça j’ai dit ça ; et hop ! Ni à la une ni à la deux, enfilé dans le chas ; le fil ; des yeux ! Elle en écarquillait!... des yeux ! La patronne « Puisque c’est comme ça, on vous prend ; mais avec votre genre efféminé on va vous appeler damoiseau».

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