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: Note d'intention

FOLIE COURTELINE – LES MARIONNETTES DE LA VIE rassemble cinq courtes pièces de Georges Courteline. Des pièces drôles, rapides, méchantes, voyageant entre la comédie de moeurs et le burlesque, voire la farce. Cinq pièces écrites entre 1896 et 1906, choisies parmi la centaine dans lesquelles Courteline ausculte notre humaine humanité avec un comique impitoyable, une empathie communicative et une fantaisie sans limite. A travers elles, un défilé de personnages saisis et précipités dans une succession de situations qui font exploser allègrement la convention sociale, l’apparente normalité. Courteline situe toutes ces pièces dans un cadre rassurant, intérieurs bourgeois ou café de province, mais il suffit de peu pour que ce monde bien ordonné vacille et vrille : un symptôme inquiétant, d’introuvables allumettes, la tradition des étrennes, les retrouvailles de deux acteurs, l’arrivée d’un profiteur chez de paisibles bourgeois…


Pourquoi Courteline ?


Contemporain de Feydeau, grandi entre Parnasse et romantisme finissant, nourri de l’esprit du cabaret du Chat Noir, Courteline est amené au théâtre par André Antoine, le fondateur du Théâtre-Libre, qui devait révolutionner la discipline. Célébré de son vivant au Grand-Guignol comme à la Comédie-Française, Courteline trace un chemin en marge du grand vaudeville, dans les théâtres « à côté » comme on a coutume alors de les nommer. Son théâtre, inclassable, au croisement du savant et du populaire, a fait le choix de ne rien prendre au sérieux et surtout pas soi-même. Permettre à la fois l’extravagance de la bouffonnerie et l’humanité de la comédie de moeurs : « C’est le droit à la fantaisie. Pensez-vous que ce ne soit rien[1] ? »
Cette fantaisie se manifeste d’abord par quelque chose d’enfantin, un amour du plateau comme simple terrain de jeu, parfois proche de la piste de cirque, une insouciante liberté de construction, une autorisation générale à être bête, à rire, que j’ai envie de partager.
Mais les textes qui composent Folie Courteline ont aussi en commun une certaine étrangeté, qui ne se réduit pas à la mécanique folle et parfois sèche du vaudeville d’un Labiche ou d’un Feydeau mais qui traquent la faille, le trouble, l’étrangeté à soi-même, aussi bien dans les comportements que dans la langue.


Car c’est d’abord la langue qui est saisie de trouble par un Courteline amoureux, « pauvre bûcheur qui fait sa phrase, comme on fait un train, de mots cherchés au bout des voies, amenés lentement derrière son dos et accrochés les uns aux autres tant bien que mal. » C’est de la langue que tout part et à laquelle Courteline revient toujours avec obstination. Dans Théodore, elle est presque un personnage, dans le Droit aux Etrennes, elle navigue sans complexe entre prose et vers, elle donne corps aux parlers populaires, se pâme dans ceux des bourgeois, traque les jargons de toutes sortes… Les mots sont pour Courteline des êtres doués de vie.
L’écriture de Courteline réussit le mariage de l’invention fantasque, d’un classicisme gourmand et de la légèreté du vaudeville. Musicale, vive, épicée, cette langue promène pourtant avec elle comme une nostalgie profonde. En préface à ses oeuvres complètes publiées quelques années avant sa mort, il s’en ouvre au lecteur :
Il faut voir en ces pages… – comment dirais-je, au juste ? –… une sorte de suite d’orchestre écrite pour musique légère, un prétexte à faire évoluer conformément à la logique de leur petite psychologie et autour de petites historiettes ayant de tout petits commencements, de tout petits milieux et de toutes petites fins, de tout petits personnages reflétant de leur mieux la philosophie où je m’efforce de prendre gaiement les choses, car je pense avec Daudet que la mort des êtres aimés est la seule chose de la vie qui vaille la peine qu’on en pleure[2].


Cinq pièces, quatre acteurs et une musicienne pour une vingtaine de rôles, héros ordinaires, bouffons gais ou tristes victimes et bourreaux. Ce sont « les marionnettes de la vie », dirait Courteline dans une formule qui rappelle celle de Bergson définissant le secret même du comique : du mécanique plaqué sur du vivant. Répétitions convulsives, obsessions, embarras, malentendus, chutes, distraction, mots d’esprits et blagues triviales… Corps et âmes désarticulés, pantins habités par un souffle, les personnages de Courteline sont pour les acteurs autant de « dispositifs expérimentaux » pour ausculter l’humain à travers le rire.
Léger ? Trop léger ? À Courteline anxieux de voir sa pièce Boubouroche traitée comme une farce par son commanditaire, André Antoine, celui-ci répond : « fichez-nous la paix ! Il faut jouer cela en fantaisie. S’il y a un drame là-dessous, il sortira tout seul[3]… »

Notes

[1] G. Courteline, Interview à l’Evènement, 1893, cité in F. Pruner, « Introduction » à Courteline, Théâtre, GF, 1965.

[2] G. Courteline, préface à ses OEuvres complètes, 1927.

[3] Emmanuel Haymann, Courteline, Flammarion , Paris, 1990 (p. 121)

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