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Europeana : une brève histoire du XXe siècle

+ d'infos sur l'adaptation de Myriam Marzouki ,
mise en scène Myriam Marzouki

: Note d’intention

Théâtre-concert atypique ou un « concert dramatique »


Mon projet de mise en scène d’Europeana est celui d’un spectacle entièrement musical, une forme de théâtre-concert. Adapter ce texte à la scène comme un « concert dramatique » selon l’expression du metteur en scène néerlandais Josse de Pauw, permet d’aborder la question de l’histoire sans passer par la figuration ou le réalisme esthétique.


La partition originale composée par trois musiciens, également interprètes sur le plateau, – piano, batterie, guitare, contrebasse, accordéon, synthétiseur, mélodica et autres objets sonores – est le fil directeur du récit collectif qui s’élabore sur scène. Entre valse déglinguée et concert pop, marche militaire et moments rock, la musique traite de manière sensible la drôlerie désespérée du texte, elle accompagne sa structure poétique tout en bifurcation, rapprochements saugrenus, coq à l’âne osés, d’un humour imperturbable et grinçant à la fois. Elle revisite aussi, au détour d’un mouvement, une mélodie connue : un chant de résistance du ghetto juif, une chanson populaire du début du siècle, un hymne. La musique, venant entièrement du plateau, participe ainsi de ce récit qui s’élabore sur scène, au présent. Fidèle à l’absence de respect de la chronologie historique par le texte, elle traverse dans le désordre le siècle qui mène jusqu’à nous, à nous qui croyons encore aux « leçons de l’histoire », à nous qui avons pu croire que « la fin de l’histoire » adviendrait avec l’avènement mondial de la démocratie libérale. Théâtre-concert atypique, le spectacle pose la question du sens (de l’histoire) dans un récit qui n’en a pas, nous place devant le siècle qui s’ouvre, alors que nous continuons « à faire de l’histoire comme si de rien n’était ».


Une tentative contemporaine de saisir l’histoire européenne


Europeana n’est donc pas un spectacle historique, comme on parle de film historique « à costumes », mais une tentative contemporaine de saisir le siècle passé à partir des lieux communs, choses lues, vues et sues, apprises par coeur, répétées, au sujet de l’histoire européenne. Au coeur de ce concert dramatique, trois comédiennes-chanteuses s’emparent du texte comme l’invention en direct d’un très étrange cours d’histoire, récit naïf, loufoque par excès d’objectivité, improbable autant que terrible. Trois comédiennes pour dire l’histoire du XXème siècle, trois jeunes femmes précisément, nées dans les dernières décennies du siècle passé, car l’histoire demeure encore une chasse gardée masculine, pré carré des « grands hommes » qui font l’histoire et de ceux qui la reconstituent, la racontent, en font l’exégèse savante. Faisons entendre le récit des conquêtes militaires, des idéologies meurtrières, des crimes contre l’humanité, des utopies scientistes, de la croyance au progrès par trois jeunes voix féminines, et voyons ce que cela donne : quelle résonance, quelle étrangeté, quelle nouveauté ?


L’histoire en mouvement et en couleurs


La scénographie travaille la dimension du mouvement, centrale dans le texte : mouvement de l’histoire en général, aspiration du siècle passé au progrès, subversion de la linéarité chronologique, vitesse et rythme de l’écriture même. Trois plateaux tournants concourent à l’élaboration du récit. Une surface rose délimite l’espace de jeu. Le bleu des costumes décline les multiples possibilités de l’uniforme : du bleu de travail au tailleur de l’hôtesse, en passant par la blouse de laboratoire, la tenue sportive. Rose et bleu pour assumer de manière ludique la double distribution masculin-féminin. Couleurs vives, enfin, car Europeana est un terrain de jeu à l’intérieur des représentations de l’histoire, une traversée naïve et iconoclaste des lieux communs de la mémoire.
Jouer Europeana, ce sera tenter de dire les faits, rien que les faits, et s’en tenant aux faits, parvenir à la possibilité d’une poésie qui n’exclut ni l’horreur ni le rire, une poésie qui refusant le lyrisme parvient à l’épopée, une épopée d’après les « utopies sanglantes ».

Myriam Marzouki

03 février 2009

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