Bousculant la linéarité chronologique et la hiérarchisation des événements, Europeana est un vrai faux manuel d’histoire qui relève un pari audacieux : faire tenir toute l’histoire du XXe siècle en 151 pages. La compilation d’une centaine de faits, dérisoires et terribles, connus et moins connus – l’émancipation de la femme et l’invention de l’escalator, le bug du millénaire et le messianisme bolchevique, l’apparition de l’électricité, du soutiengorge, les sectes apocalyptiques, le camp de Theresienstadt, l’invention de la poupée Barbie et de la psychanalyse – fait d’Europeana une improbable épopée, loufoque autant que terrible.

Adoptant une énonciation faussement naïve, Patrik Ourednik travaille sur notre rapport à la vérité historique et s’amuse à brouiller les pistes : du savoir scientifique aux stéréotypes scolaires, de la mémoire populaire au devoir de mémoire, de l’objectivité du fait établi à son dépassement par la fiction, comment dire la vérité de ce siècle tout juste passé ?

Europeana déplace les frontières habituelles entre essai et fiction, prose et poésie, vérité scientifique et vraisemblance romanesque. Prélevant des vérités connues, des faits historiques avérés, des doctrines et théories nées au siècle passé, Patrik Ourednik s’inscrit dans une filiation littéraire qui fait oeuvre poétique à partir d’un matériau documentaire et des stéréotypes de la langue.