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Europe (L'Echappée belle)

+ d'infos sur le texte de Marie Fourquet
mise en scène Marie Fourquet

: Projet d'écriture

L’Europe et ses errances

LE MYTHE D’EUROPE


Mon premier axe est le mythe d’EUROPE : L’histoire d’une princesse phénicienne vierge qui, attirée par l’odeur d’un crocus, s’approche d’un fougueux taureau ailé blanc, Zeus lui-même ! Ainsi métamorphosé, le libidineux Zeus kidnappe la jeune Europe, lui fait des enfants, tandis que Cadmos son frère la recherche en vain pour finalement, suite aux conseils de l’oracle, changer de projet et construire Thèbes. Testostérone et odeur de safran mènent vaillamment Europe vers sa destinée pendant que le frère s’égare…
Ceci est une première histoire d’errance, ces errances qui construisent et construiront toujours l’Europe.
En Europe d’aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de faire le lien et de revenir à Calais bombardée, à la « Jungle » où errent les migrants clandestins terrés dans les restes des bunkers. Pas de taureau ailé mais des passeurs, une vue sur l’Angleterre, un autre rivage et sûrement aussi des frères qui les cherchent. Ce sont deux histoires d’immigration, de pénétration.
La volonté de baser mon histoire sur un mythe grec est liée à l’envie d’enraciner mon thème dans l’énergie tragi-comique que je trouve dans ces mythes. J’aime ces dieux décadents à la forte énergie sexuelle, ces héros errants perdus entre ciel et terre. Je pense que pour pouvoir travailler sur le thème de l’Europe, je dois l'implanter, lui donner des fondations pour qu’il puisse prendre de l’ampleur car mon travail d’écriture part toujours du lieu commun et s’axe sur l’identification personnage/spectateur.


LES HÉRACLIDES


Puis il y a les Héraclides, la pièce d’Euripe écrite en 439 avant Jésus-Christ. Une autre errance, celle des enfants d’Héraclès après la mort de leur père. Ces enfants, ainsi que leur grand-mère Alcmène, sont condamnés à l’exil par le roi Eurysthée, parent de la famille. Craignant les prétentions au trône que pourraient avoir les enfants il les menace de mort.
Les enfants et Alcmène fuient leur ville natale Mycènes où règne Eurysthée au service duquel Héraclès dut effectuer ses douze travaux. Souverain omnipotent, il menace de guerre tous les pays qui accueilleraient les réfugiés. Commence alors la pénible errance des enfants d’Héraclès.
Seuls les Athéniens accordent l’asile aux enfants ainsi qu’à Alcmène et à Iolaos, le compagnon d’armes d’Héraclès, qui les guide. Eurysthée décide d’assiéger la ville. Afin que celle-ci remporte la victoire, l’oracle exige le sacrifice d’une jeune fille vierge. Macarie, fille d’Héraclès se sacrifie pour sauver la vie d’une athénienne. Athènes gagne la guerre, Eurysthée est fait prisonnier. Alcmène, qui dirige les exilés exige son exécution. Les Athéniens débattent, leur constitution exclut la peine de mort.


La poésie d’Euripide met en scène cette troupe d’enfants anonymes, sans mères, traquée de pays en pays, à leur côté le très vieil Iolaos et la grand-mère donnent à ce cortège une allure étonnante. Cette couvée errante, maudite, guidée par deux vieillards est pour moi une allégorie frappante de l’europe.


LA TRAGEDIE


Le danger du thème européen est son actualité. Le risque de tomber dans le docu-fiction où sur scène, une réalité violente et cruelle peut basculer dans la banalité, dans les bons sentiments. En travaillant à partir de la pièce d’Euripide, je veux donner à l’écriture de ma pièce une architecture basée sur la tragédie grecque.
Depuis longtemps, je veux travailler sur la structure de la tragédie et, avec le thème de l’Europe, il y a ici plusieurs enjeux à filtrer l’écriture dans une telle architecture. Tout d’abord le choeur omniprésent dans nos démocraties européennes puis propre aux tragédies, la peur de propagation d’une famine, une maladie ou d’une malédiction. Les peurs fantasmées exacerbées par des extrêmes pour mener à bien leurs velléités de pouvoir.
On retrouve sans cesse cette peur de l’invasion suite à l’ouverture des frontières, cette peur peut prendre toutes les formes : humaine, alimentaire, épidémique. Et enfin, l’enjeu du destin, l’enjeu du héros face à son destin. A quoi ressemble-t-il aujourd’hui ? Est-il celui qui traverse l’Europe à pied en quête d’un absolu déguisé en utopie européenne ? Jusqu’où estil prêt à aller pour vivre dans cette Europe ? Que va-t-il perdre ? Pourra-t-il un jour rentrer au pays ?


LE MENSONGE IDENTITAIRE


Je tiens à développer ce thème du mensonge identitaire, à le mettre au coeur de ma pièce. Certains mentent sur leurs origines, ils mentent pour vivre, pour rester, pour être acceptés. L’Europe distille aujourd’hui les restes de mensonges de la seconde guerre. Chacun panse les plaies, colmate les brèches de nos identités mal menées par des années de guerres, de déportations et d’occupation.
Pour moi, l’Europe est là, avec ceux qui se retranchent dans du régionalisme à outrance, perdus dans ce terrain sans frontières, ils luttent pour garder un misérable 62 sur une plaque d’immatriculation de voiture. D’autres, à force de changer de prénom, de nom pour survivre en arrivent à vraiment oublier d’où ils viennent. Mon frère était-il mon oncle ?
Dans ce texte, pour moi le mensonge sera le ressort tendu entre tous, une bombe à retardement dont la Suisse reste un lieu de passage, située au coeur du problème, mêlée aux enjeux des réfugiés politiques.


Pourtant, je ne pense pas qu’on m’ait menti sur l’Europe. Je crois encore à l’outil de paix, à l’union des états indépendants démocratiques, à ce ciel bleu étoilé. Reste à savoir quelles sont les règles du jeu et là commence ma pièce.


SCENOGRAPHIE


L’Europe, histoire d’une utopie ? Histoire d’une tragédie ? Il est clair que le choix de l’espace dans lequel va se construire ce thème est capital. Des frontières qui s’ouvrent, qui s’emmêlent, qui se referment. Avec Serge Perret, le scénographe du spectacle, nous voulons cette fois travailler sur les volumes et la verticalité, afin de faire ressortir l’ampleur tragique et utopique du mythe européen.


Depuis trois spectacles, nous avons établi comme processus de création, que les lumières créées par Antoine Friderici et la scénographie sont étroitement liées et doivent se construire de manière imbriquées. En effet il ne s’agit pas seulement d’arriver au final pour éclairer le décor, mais bien d’être présent depuis le point de départ de la création et de la scénographie.

Marie Fourquet

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