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Dunsinane

+ d'infos sur le texte de David Greig traduit par Pascale Drouet
mise en scène Baptiste Guiton

: Note de mise en scène

par Baptiste Guiton

Nulle actualisation n’est souhaitable pour cette fable inspirée de faits historiques dans laquelle chacun pourra reconnaître les enjeux géopolitiques de notre époque. À l’inverse, baigner la représentation dans son jus médiéval lui conférerait une dimension exclusive-ment documentaire ou reconstitutive, la représentation doit être le lieu de la suggestion ; prenons de la dis-tance, nous nous verrons davantage. Dunsinane est une véritable colline écossaise, et l’histoire de la victoire du comte anglais Siward sur le roi écossais Macbeth en 1054 est réelle. Nous n’avons pas à travailler sur la réalité des faits mais sur l’impact de cette guerre médiévale sur nos perceptions contemporaines. Faire apparaître la question des clans par exemple qui rend les conflits tribaux plus importants que la défense commune, ou encore qu’il est des territoires qui «valent la peine » d’être pillés mais certainement pas d’être gouvernés. Si les questions de souveraineté nationale, d’identité, et d’ingérence sont au cœur de l’œuvre, ce sont leurs conséquences sur les vies humaines et l’extrême violence de ces situations que le théâtre doit s’acharner à représenter : la perte d’un enfant, la barbarie des combats, la honte, le chagrin et la culpabilité. Comment mettre en scène « cette vérité » au théâtre ?


La forteresse de Dunsinane est un lieu dangereux, précaire, ce n’est pas un château confortable, c’est un bun-ker, un lieu de fin de règne pour un tyran, une planque, un espace patchwork qui se compose d’un champ de bataille, d’un cimetière, d’une ambassade, d’un camp de prisonniers, et alterne des scènes d’intérieur et d’extérieur. Nous avons imaginé un dispositif mobile, ajouré et échafaudé, qui nous permettra de fluidifier les transitions, d’instruire la représentation d’une dimension épique et d’imaginer un écrin pour cette garnison d’acteurs. Selon les dynamiques de lumières, le décor révélera des voûtes romanes surplombant une ligne d’horizon minérale ou des créneaux de fortifications ; il pourra évoquer la cour d’un bâtiment carcéral, ou la sacristie d’une chappelle ; les scènes extérieures pourront prendre l’apparence d’un décor de western, ces rues désertées où les fusillades peuvent éclater à tout moment. Je cherche un espace aux références multiples, à travers les siècles et les représentations, afin que chaque spectateur puisse se reconnaître.


C’est à cette condition, celle de la reconnaissance, que les personnages de Dunsinane auront un impact sensible et politique sur les spectateurs. Car ce dont nous parlons finalement, c’est d’un groupe de gosses envoyés au front, ce sont ces générations entières de jeunes gens qui disparaissent à chaque conflit et perforent des sociétés de leur absence, ce sont ces groupes quasi-exclusivement masculins qui par ignorance commettent des exactions sur les territoires qu’ils sont sensés protéger. Et d’autre part, c’est l’impossibilité pour un chef de guerre, Siward, de mener une guerre « honnête », de fédérer des nations dont la langue diffère, de proposer une démocratie quand un peuple n’en veut pas. Ce sont des enjeux sur lequel le temps n’a pas d’emprise, c’est pourquoi les costumes témoigneront davantage d’un travail textile, esthétique et pratique (quarante rôles pour treize acteurs), que d’une définition historiciste.


Shakespeare est un Anglais qui a écrit une pièce écossaise, Greig est un Écossais qui écrit sur l’ingérence anglaise en Écosse. Il y a dans ce projet d’écriture un hommage, un héritage emprunt d’humilité (en choisissant une langue contemporaine mais un vocabulaire connu de Shakespeare) mais aussi une arrogance, une défiance envers le point de vue politique de Shakespeare. Nous avons conscience de cette tension, fondamentale pour le théâtre contemporain et les auteurs vivants ; cette convocation des grands mythes percutés par notre monde moderne est à mon sens un des grands enjeux de la représentation théâtrale.


Dunsinane interroge la dilution politique, la complexité de la fédération des États, et l’héritage patriarcal dont nos sociétés sont pétries. Il est rare de trouver aujourd’hui chez les auteurs contemporains un champ de représentation si ouvert sur le monde et son fonctionnement géopolitique.

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