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Dunsinane

+ d'infos sur le texte de David Greig traduit par Pascale Drouet
mise en scène Baptiste Guiton

: Note dramaturgique

par Baptiste Guiton

La dimension politique


Qu’arrive-t-il après la chute d’un dictateur ? Sur quelle base une nation peut-elle se reconstruire après des années de tyrannie ?
Sans jamais mentionner les mots « Irak » ou « Afghanistan », la pièce de David Greig et les actions du général Siward – son personnage principal - sont le miroir des débats géopolitiques contemporains. L’ingérence politique est la thématique centrale d’une structure en quatre parties qui se déclinent, comme les saisons, d’une renaissance nationale au chaos total : Printemps – Été – Automne – Hiver.
À l’heure du Brexit et de la montée des populismes en Europe, et alors qu’il est parfois difficile de faire la différence entre le maintien de la paix et l’occupation d’un pays, l’auteur interroge les notions de patrie, de nation, d’identité individuelle et nationale, dans une Écosse qu’il dit « mitoyenne ». En redonnant la parole à une femme légitimement reine, à une garnison anglaise considérée comme une armée d’occupation, à un général dont l’excès de probité, d’ordre et d’éthique le conduit à une succession d’exactions barbares, David Greig malmène l’adage Si vis pacem, para bellum « Qui veut la paix, prépare la guerre »... Ou réciproquement.


L’insoumise et l’effondrement du patriarcat


Si on cherche dans le Macbeth de Shakespeare la possibilité que le féminin soit représenté, en tant que féminin, dans la distribution du pouvoir, on ne trouvera rien. Macbeth est un monde de mâles dont les femmes sont exclues. On y vit entre mâles et on espère y engendrer d’autres mâles. Ce monde où Macbeth tue le père et les fils et où Lady Macbeth renie sa nature de femme est forcément un cercle stérile.
La réponse de David Greig est plus féconde. Lady Macbeth est vivante (finalement) et cachait un héritier depuis plus de quinze ans. Considérée comme une sorcière, et entourée de sorcières, à savoir « celles qui échappent à la domination masculine » selon Mona Chollet (cf. Sorcières éd. La Découverte), Gruach - ainsi prénommée - représente la puissance invaincue des femmes. Les sorcières disent ce qui est tu, elles révèlent le désir enfoui, attisent le désordre qui est caché sous l’ordre, mettent à jour la maladie dans le corps de l’État. Dans Dunsinane, c’est le patriarcat qui va s’effondrer devant l’insoumission féminine et la souveraineté populaire, et ainsi donner à l’avenir un point - certes fragile - d’équilibre.


La parole du peuple


En mettant en scène de jeunes soldats anglais dont la mission de maintien de l’ordre est fragilisée par une situation politique instable, et une hostilité légitime de la population « occupée », David Greig écrit l’absurdité des guerres et des batailles, et l’inutilité de toute action humaine. En mettant en lumière un général anglais, Siward – rôle discret et sans envergure dans la pièce de Shakespeare – dont l’inadéquation avec le politique le conduira à commettre des exactions terribles en terre écossaise, l’auteur oppose la chair à canons livrée à elle-même, à l’oligarchie au pouvoir en proie à la corruption et à l’intérêt privé.
Enfin, si Dunsinane est le récit d’un expansionnisme mortifère, il nous est rapporté par les mots et à travers le regard de l’enfant soldat, une jeune âme dont l’apprentissage guerrier fait lui aussi écho aux situations contemporaines du Proche et Moyen-Orient.

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