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Dans la solitude des champs de coton

mise en scène Arnaud Rykner

: Le jeu d’acteur

Comme pour le décor, il ne faudra pas surjouer le texte, choisir ce qu’en lui il faudrait mettre en avant au dépens d’autre chose, insister sur des tons, des mots, etc. La force de l’écriture de Koltès tient dans cette rectitude qui donne à tous les mots un poids égal, une force égale.


Ne pas faire l’intelligent avec l’intelligence même de Koltès.


Duras disait : « rien à faire d’autre (…), rien qu’à porter le texte hors du livre par la voix seule, sans les gesticulations pour faire croire au drame du corps souffrant à cause des paroles dites alors que le drame tout entier est dans les paroles et que le corps ne bronche pas. » (La Vie matérielle)


Pour que l’on puisse croire « au drame des paroles dites  » par le dealer et le client, laisser ces paroles dire les corps, leur désir, leur souffrance. Refuser le pléonasme autant que la pure abstraction.


Faire confiance au texte, qui fait remonter les forces les plus secrètes de l’acteur qui le porte.


« Chercher dans ce texte des personnages au sens traditionnel du terme – c’est-à-dire des combinaisons plus ou moins complexes de traits psychologiques définis, et pour lesquels il conviendrait de découvrir dans quelle mesure tel trait l’emporte sur tel autre, et comment tel trait s’allie à tel autre serait une gageure, et serait sans le moindre intérêt. J’ai toujours l’impression, face à un personnage tracé psychologiquement de me trouver devant la xe variation de la même chose, fruit d’un travail acharné sur ce qu’il y a de plus petit, de plus mesquin, de moins original en soi. Demander à des comédiens l’étude profonde de ce qu’ils ont de moins intéressant en eux me paraît aberrant. Ne parlons pas des personnages considérés à la manière de Brecht : si les personnages psychologiques sont petits, ceux-ci sont inexistants  :
En fait, les personnes et les personnages m’apparaissent d’une tout autre manière. L’ensemble d’un individu et l’ensemble des individus me semblent tout constitués par différentes « puissances  » qui s’affrontent ou se marient, et d’une part l’équilibre d’un individu, d’autre part les relations entre personnes sont constitués par les rapports entre ces puissances. Dans une personne, ou dans un personnage, c’est un peu comme si une force venant du dessus pesait sur une force venant du sol, le personnage se débattant entre deux, tantôt submergé par l’une, tantôt submergé par l’autre. On a donné parfois à l’une le nom de Destin, mais cela me paraît trop schématique – et trop facile ! Dans les rapports entre les personnes, c’est un peu comme deux bateaux posés chacun sur deux mers en tempête, et qui sont projetés l’un contre l’autre, le choc dépassant de loin la puissance des moteurs. Bien au-delà d’un caractère psychologique petit, changeant, informe, il me semble y avoir dans chaque être cet affrontement, ce poids plus ou moins lourd, qui modèle avec force et inévitablement une matière première fragile – et le personnage est ce qui en sort, plus ou moins rayonnant, plus ou moins torturé, mais de toute façon révolté, et encore et indéfiniment plongé dans une lutte qui le dépasse. »
Bernard-Marie Koltès à Hubert Gignoux, à propos de son premier texte, Les Amertumes, 7 avril 1970 / Lettres, Paris, éd. de Minuit, 2009.

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