Grisélidis est devenue prostituée en Allemagne. Elle a lu et écrit de la poésie en allemand lorsqu’elle était en prison à Munich d’avril à août 1963. Elle a écrit à maintes reprises qu’elle aimait la musique, et qu’elle travaillait en musique, classique, jazz ou tzigane. Onze hommes, des comédiens et des chanteurs, formeront un chœur durant l’énoncé des prénoms des clients. Ils se souviendront de trois Lieder pour chœurs d’hommes de Schubert : le Désir, la Nostalgie – Sehnsucht –, l’Amour – Liebe –, la Nuit – Die Nacht, sur des poèmes de Goethe, Schiller et Krummacher. La musique de Franz Schubert effleure, caresse cette « peau de l’âme » dont Grisélidis Réal connaissait toutes les blessures et les joies. Interprétant ces trois Lieder, chantés ou cités, les voix des hommes auront la délicate mission de faire ressentir ces élans et ces frissons.

Jean-Christophe Marti
« Le chœur des hommes qui entourent Grisélidis n'est pas un groupe vocal professionnel. D'une certaine manière, ces voix s'assemblent comme les clients se sont trouvés là, rassemblés dans le Carnet. Ce sera donc une communauté masculine plus que fragile, imaginaire peut-être, aléatoire. Néanmoins elle se dessine pour entourer Grisélidis, la remercier, ou parler au plus profond.
Notre travail consistera à accueillir tous les possibles contenus dans cette rencontre de voix venues d'horizons divers. Chanter Schubert prend alors un sens autre que celui d'atteindre à une perfection technique. Nous chercherons à exprimer les émotions justes et à déplier de possibles variations autour de la musique de Schubert.
Plutôt que de fondre les différences dans une homogénéité sonore, nous ferons entendre les singularités vocales, inspirés en cela aussi par le Carnet : qui laisse émerger chaque être avec une délicatesse vraie. »