: Le premier artiste noir de la scène française
Le spectacle est d’abord un hommage rendu à celui qui fut le premier artiste noir de la scène française, injustement oublié aujourd’hui. Au-delà de ses talents comiques, Rafael a fasciné le public parisien comme chanteur et surtout comme danseur. Il a fait découvrir aux Français une gestuelle (qualifiée alors de « simiesque ») issue de la culture des esclaves noirs d’Amérique, qui triomphe à la Belle Époque avec le « cake walk » et que l’on retrouve aujourd’hui dans la gestuelle de danseurs de hip hop.
Mais le clown Chocolat fascine aussi parce qu’à l’époque, la plupart des Français n’ont jamais
vu de noirs. Au-delà de l’histoire personnelle de Rafael, son itinéraire illustre la découverte du monde
noir par le peuple français, faite de surprise, de plaisanteries condescendantes, mais aussi d’admiration,
de compassion et de solidarité.
Le spectacle interroge les dimensions contradictoires de cette rencontre fondatrice. Foottit et
Chocolat invente la comédie clownesque (le clown blanc et l’auguste), en même temps qu’ils fixent le
stéréotype colonial du « nègre stupide » giflé par le clown blanc.
Les contemporains de Foottit et Chocolat commentent ainsi le succès du duo : « Foottit c’est le
maitre despote, entêté, d’une intelligence bornée sur certains points mais très bien sur d’autres,
mauvais, taquin, lâche avec les grands, autoritaire avec les petits.
Chocolat au contraire est le nègre souffre-douleur, qui obéit, infortuné, sans se plaindre mais qui
reste paresseux et dont le masque impassible laisse le spectateur indécis de savoir s’il a devant lui une
brute achevée et sans cervelle, ou un malheureux très intelligent, qui connaît sa déchéance morale, qui
comprend tout, mais ne dit rien parce que… cela ne servirait à rien ! ». (Les mémoires de Foottit et Chocolat, recueillis par Franc-Nohain- Illustrations de René Vincent Pierre Lafitte et Cie 1907).
Mais comme le note Gérard Noiriel : « Au lendemain de l’affaire Dreyfus, on ne peut plus montrer sur une scène française un Noir frappé par un Blanc sans une certaine mauvaise conscience. » Du coup Rafael, le clown Chocolat, ne fait plus rire. Il tente une nouvelle carrière au théâtre, grâce à Firmin Gémier, mais il n’a pas le profil de l’acteur « populaire » tel que l’imagine le public français.
Le duo Foottit et Chocolat a connu une gloire posthume : les deux clowns ont inspiré Samuel Beckett, cinquante ans plus tard pour les personnages de Pozzo, le maître, et Lucky, une sorte d’esclave, dans En attendant Godot (1952).
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