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Avant/Après

mise en scène Michèle Foucher

: C’est comme ça…

On dit qu’après, on en sait toujours plus, qu’après, on sait comment c’était avant. Mais c’est faux. Il n’y a pas d’arbre de la connaissance du bien et du mal, il n’y a que le péché ou la chute. Dans la pièce de Roland Schimmelpfennig, Avant/Après, personne ne sait après ce qui lui est arrivé avant. Était-ce meilleur ou pire, ou simplement différent ? Les choses sont comme elles sont. Le laconisme d’un « je ne peux rien dire de plus» domine les scènes de la pièce: cinquante et une photographies instantanées d’individus confrontés à une décision prise ou à prendre, individus qui s’aiment encore ou qui se sont aimés, individus qui se retrouvent ou se séparent, se querellent, se souviennent ou discutent tout simplement. Drames isolés, fragments de vie qui ont lieu au bistrot, au lit, dans la salle de bains, à la maison à l’hôtel ou ailleurs. Instantanés de la vie ordinaire, polaroïds pris sur le vif, rapides, aléatoires et denses à la fois, ils composent un portrait de la société. Roland Schimmelpfennig appelle cela une «dramaturgie à plans larges ».


La pièce commence et finit avec « la femme de soixante-dix ans passés » qui, par hasard, s’est vue nue dans le miroir de la salle de bains au moment de s’habiller.
« C’est écœurant. Une véritable éponge », dit-elle. D’habitude elle prend sa douche dans le noir « pour ne pas être obligée de se voir ». La peur de voir la mort en face donne son cadre à la pièce. Hantée par l’image du deuil, la fulgurance de ses traits saisit l’existence humaine dans la dimension de l’espace-temps. Schimmelpfennig procède sans jugement moral ce qui rend la pièce plus radicale encore. Avant/Après n’est pas seulement une formule qui s’applique au présent, l’instant invisible entre passé et futur, la formule s’applique tout simplement à la vie : le bref instant qui se situe avant et après le passage dans le néant, ou, pour les trois nonnes qui apparaissent le temps d’une prière, le temps d’avant et d’après le paradis.


Trente-sept personnages apparaissent et disparaissent, dont un organisme tueur, une espèce inconnue dont l’homme et sa production d’ondes incessante est l’ennemi: produit de nos angoisses, symbole de la menace existentielle ? La plupart des personnages n’ont pas de noms : « l’homme sous l’ampoule électrique », « la femme en déshabillé »... Certains reviennent plusieurs fois, à différentes étapes, d’autres, comme les « deux danseurs sur le point de rentrer chez eux » ou « l’homme au verre à insectes» n’ont qu’une seule scène. Souvent ils parlent d’eux à la troisième personne tels des observateurs de leurs propres actions. Le degré de leur perception et de leur conscience change constamment, les perspectives et les motifs varient. Le langage de Schimmelpfennig procède comme une caméra qui tourne en plans de plus en plus rapprochés, puis change d’angles de vue et exécute un montage cut. Coupes sèches de la tristesse de nos petites vies. (…)


Christine Dössel
texte français Christine Seghezzi
In Suddentsche Zeitung, 25 novembre 2002

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