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Aucune idée

Christoph Marthaler ( Mise en scène )


: Marthaler par Valentine

par Graham F. Valentine

Extraits d’un texte écrit par Graham F. Valentine sur sa rencontre avec Christoph Marthaler et leurs différentes collaborations. (version intégrale du texte ici)

Première rencontre et premier scandale


À la fin des années soixante, je suis parti de l’Écosse pour venir en Suisse étudier la littérature allemande à l’Université de Zurich. Les parents de Christoph dirigeaient alors un foyer d’étudiants. Je m’étais inscrit dans ce foyer sans savoir à quoi m’attendre. Christoph n’avait que dix-sept ans, il avait déjà quitté l’école. Il prenait des cours de hautbois et faisait de la pantomime et de la danse. Quand je suis arrivé à Zurich, c’est Christoph qui m’a ouvert la porte. Nous avons probablement tout de suite su que nous avions chacun quelque chose à nous apporter.


Cette maison d’étudiants était une maison réformée. Les parents de Christoph étaient croyants. Je viens moi-même d’une famille religieuse. Dans une telle maisonnée, les pensées dadaïstes affluaient à mon cerveau. Il régnait une atmosphère de doux déclin – ce qui n’a rien à voir avec le désespoir, attention.


Chaque année, le foyer proposait une excursion à la campagne, dans une paroisse ; l’année 1970 ne fit pas défaut. Le foyer accueillait des gens de l’École Polytechnique Fédérale et des étudiants en théologie et d’autres facultés. Les étudiants en théologie s’étaient chargés de préparer le culte. La veille, il y avait toujours une fête. Sans alcool bien sûr, mais avec un spectacle que Christoph, alors âgé de dix-sept ou dix-huit ans, avait lui- même mis en scène. Cette fête à Wilchingen, un petit village dans les environs de Schaffhouse, a marqué notre première collaboration. Je chantais une chanson de Marlene Dietrich. Sur scène, il y avait un trou par lequel je pouvais faire mon entrée. Je chantais la chanson de Dietrich avec une attitude très lascive et en me déshabillant un peu. J’apparaissais sur scène comme une créature démoniaque. J’avais l’air complètement à l’ouest, uniquement vêtu d’un vieux drap. Dans le village, ça a fait un énorme scandale. Le lendemain matin, au petit-déjeuner – je logeais avec un autre étudiant chez une famille de villageois –, tout le monde était mal à l’aise et personne ne pipait mot. La soirée avait mis le pasteur et les villageois en colère. Cette scène, qui n’a duré que trois minutes, a probablement été déterminante pour notre future relation, à Christoph et à moi. Le lendemain, lors du culte religieux, la gêne était palpable. Ce fut notre premier évènement. Un gros scandale – parfaitement ridicule. (...)


Indeed


Les préparations pour le projet Indeed ont commencé pour moi dès le soir où je suis arrivé à Zurich. Je vivais chez Christoph et Petia Kaufman, et à l’époque Christoph avait toujours un petit enregistreur sur lui. Petia Kaufman et moi avons improvisé quelque chose, elle au clavecin, moi avec le texte « Anna Blume » de Kurt Schwitters. Cette improvisation est devenue plus tard un passage important du spectacle. Dans Indeed, on chantait aussi des chansons suisses, comme Stägeli, uf, Stägeli ab, juhee ! Nous lisions des textes de Schwitters, et d’autres textes tirés d’encyclopédies. Norbert Schwientek disait un texte sur le sel – en prononçant toute la ponctuation, point, tiret, trait d’union, guillemets, comme Martin Pawlowsky dans Stunde Null. Les éléments du jeu de Marthaler se répètent toujours. On se cite de création en création.


Au cours de la soirée, la conversation suivante apparaissait sous plusieurs formes ; c’est d’ailleurs elle qui donne son titre au spectacle :


  • Cassilda : You Sir, should unmask.
  • Stranger : Indeed ?
  • Cassandra : Indeed. It is time. We all have laid aside our mask, but you.
  • Stranger : I wear no mask.
  • Cassilda (terrified to Cassandra) : No mask ? No mask ?
  • (Pause – Indeed Indeed Indeed Indeed...)

Nous jouions Indeed à la « Rote Fabrik », une ancienne usine au bord du lac de Zurich, au deuxième étage. Il y avait un groupe de marionnettes coiffées de chapeaux melon, assises autour d’une petite table de café. L’une de ces marionnettes était Dodo Hug. Le public était assis à des tables comme dans un café et pouvait consommer. Pendant que Petia Kaufman jouait du clavecin, nous faisions des allées et venues en ascenseur. Puis nous, les trois orateurs, sortions enfin de l’ascenseur. Nous nous asseyions à différentes tables. De temps en temps, nous nous levions pour aller aux toilettes ou dans l’ascenseur. Pour le public, c’était une expérience nouvelle. Je portais un smoking dans Indeed. Ce personnage était probablement déjà une forme embryonnaire du Maître de cérémonie. (...)

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