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Couverture de Traces (Discours aux nations africaines)

Traces (Discours aux nations africaines)

de Felwine Sarr


Traces (Discours aux nations africaines) : Extrait 1 [p.25 à 26]

Avec l'aimable autorisation des Éditions Actes Sud dans le cadre du Prix Sony Labou Tansi

« Développement dites-vous ?
Mais non !
Vie. Intensité. Plénitude. Complexité. Beauté.
Dignité du quotidien.
Bien sûr, les arbres grandissent, les graines enfouies mûrissent. Les peuples croissent, les groupes humains se déploient et se multiplient, les vies humaines s’épaississent.
Mais les nations, elles, ne se développent pas ; elles font l’expérience de leur histoire. De sa densité, de sa texture, de ses méandres.
Elles sont, deviennent, grandissent, mûrissent, déclinent, se régénèrent, se réinventent. Elles existent et font trace.
Sous-développés ?
Comment avons-nous accepté d’être désignés ainsi ?
Sous-développés, comme pour dire pas assez constitué, en deçà de sa vraie taille, de son véritable poids ; à côté de son vrai rythme.
Vous rendez-vous compte de la violence que cela représente de nommer tout un continent « sous-développé » ? Comme qui dirait brinquebalant, impotent, informe, claudiquant, pas arrivé à maturité.
Rien sous ce ciel qui n’ait atteint sa plénitude, sa puissance, sa forme, sa beauté, sa perfection. Pas même le rire, pas même l’amitié, pas même le ciel qui irradie, pas même la douceur qui tombe le soir sur les villes et les campagnes.
Pas même la force, pas même l’intelligence sociale, pas même le regard sur la vie, pas même la sociabilité, pas même le lien, pas même la relation, pas même la fraternité, pas même l’humanité, pas même le rouge vif, pas même le kaolin du blanc, pas même la mousse de l’écume, pas même le bleu de la mer…
Nomme ainsi le continent qui accueillit la vie, prit soin d’elle et la répandit sur toute la surface de la terre !
Et tout ceci, parce que certains de nos frères ont décidé que l’on pouvait nommer autrui négativement, en le dépréciant, qu’on pouvait le nommer en creux, qu’on pouvait le désigner par ses hideurs et non par ses beautés.
Que l’on pouvait dire de lui qu’il était laid, juste pour se désigner soi-même comme le plus beau des hominidés. »


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