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Couverture de Pourvu qu'il pleuve

Pourvu qu'il pleuve

de Sonia Ristić


Pourvu qu'il pleuve : Extrait 2 (p. 41-42)

Avec l'aimable autorisation des Éditions Lansman

Trois/ Soir
15.
La petite, La blonde, L'étrangère et des voix


L'étrangère : Pourvu qu'il pleuve pourvu qu'il pleuve pourvu qu'il pleuve... C'est ce que je me récite avant même d'ouvrir les yeux, en me réveillant les matins des jours où je fais ouverture-fermeture. Parfois il pleut et alors j'ai l'impression que cette ville ne me rejette pas complètement. Je le prends comme un message personnel, une façon qu'a Paris de me dire de m'accrocher, de me dire qu'elle et moi, on va finir par se trouver.


La blonde : Les après-midi de pluie sont les moments où j'aime vraiment cet endroit. Il n'y a pas grand monde, les conversations sont en sourdine, feutrées. Tous sont plongés dans leurs écrans d'ordinateurs. Personne n'est pressé, énervé. Ils viennent au bar commander tranquillement au lieu de faire des moulinets avec les bras. Les après-midi pluvieux dans ce bar, c'est comme un monde meilleur possible.


L'étrangère : Et puis il y a ton bellâtre de la treize.


La blonde : Je crois que c'est un connard.


L'étrangère : Un jour de pluie, sans avoir échangé un mot avec lui, tu t'es dit que tu en étais amoureuse. Et quelques mois plus tard, toujours sans avoir échangé un mot avec lui, tu as décidé qu'il était un connard ?!


La blonde : Oui. Va comprendre.


La petite : Moi, le moment où j'adore cet endroit c'est celui-là, exactement celui-là. Entre chien et loup. Quand les bières et les verres de vin commencent à remplacer les thés et les cafés crème. Quand l'un après l'autre, les écrans sont rabattus. Quand l'alcool arrive et qu'avec les premières gorgées, le monde qui gronde, bouscule et cogne s'éloigne, qu'il devient assourdi, flouté. Il y a cette magie-là avec l'arrivée de l'alcool, cet instant où tout est plus beau, un moment de tous les possibles comme celui du matin avant de lever le rideau de fer. Après, très vite, il file. L'alcool est le moment. Les tables deviennent poisseuses, les visages rougeauds, les rires trop forts, les gens et le monde deviennent moches. Mais là, à cet instant, regardez comme ils sont tous beaux.


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