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Parages 06 : Faits d’hiver

Événement | Théâtre du Peuple à Bussang (décembre 2018)

Simon Delétang, directeur de ce lieu mythique depuis 2017, a proposé d’ouvrir son théâtre à des auteur·rice·s vivant·e·s pour écrire sur des faits divers qui ont marqué et effrayé la région des Vosges et, plus largement, la Lorraine : Penda Diouf, Julien Gaillard, Magali Mougel, Pauline Peyrade et Frédéric Vossier.
Nous vous livrons ici des extraits de trois de ces écrits.

Beau, corbeau - (Extrait) par Pauline Peyrade


(...)


LA MARCOU : Je l’ai vue.
Frisson.BERTRAND : Quoi ?
LA MARCOU : J’ai vu
BERTRAND : Tu l’as vu, qui ? Lui ?
LA MARCOU : Ta maison, la maudite, je l’ai vue.
BERTRAND : Quoi ?Bertrand se penche au-dessus du plat de terre.
LA MARCOU : Minuscule et dorée, une pépite noire qui brille dans la nuit, et des cercles autour. Des cercles rouges et bleus, comme des veines.
BERTRAND : C’est où ? Je vois rien.
LA MARCOU : Les cercles ne se touchent pas, elles n’appartiennent pas au même corps. Il y a deux maisons dans ta maison. Le sang bleu est ancien, il s’enroule autour des veines vivantes, et leur sang se fige et s’empoisonne lui-même, il se dévore lui-même pour survivre, sans nourriture, sans oxygène.
BERTRAND : Tu insultes ma famille ?
LA MARCOU : Je te dis ce que j’ai vu.
BERTRAND : Arrête ton mauvais sort. Tu essaies de m’embrouiller.
LA MARCOU : J’essaie de te montrer quelque chose. Avant ta maison, il y avait une autre maison. Tout s’est détruit.
BERTRAND : Tu insultes ma famille. Je ne te permets pas d’insulter ma famille.
LA MARCOU : Je n’ai insulté personne.
BERTRAND : Tu as parlé de notre sang qui s’entre-dévore. Comment tu oses dire que notre sang est pourri ?


Taïaut ! - (Extrait) par Magali Mougel


Brume. Brume de coton qui s’empare des flancs de la vallée. Dans un élan vers le sommet de la cime des sapins, un drap se lève, se dresse vers le ciel. La pluie n’a cessé de tomber.


« Couchez les enfants, vite. Cachez vos femmes, vite. »


C’est le grand jour. Dans le silence des nuages qui se scellent aux forêts, un petit peuple d’hommes fixent sur leur tête des bonnets de laine et des capuchons. Lumignons et torches en main carabines en bandoulière, ils ont quitté avant la tombée de la nuit, les maisons. Derrière les fenêtres, les lumières se sont éteintes une à une. Le tocsin retentit comme un appel au rassemblement. Et les chiens hurlent comme des bêtes sauvages. Le petit peuple de la nuit se lève. Le petit peuple, cette nuit, s’en va en guerre.


Histoire de feuilles - (Extrait) par Frédéric Vossier


(...)


A : Tu ne sais pas ?
Temps.
Tu ne sais pas ce que tu veux ?
B : Si. Je sais.
A : Tu veux quoi ?
B : Je suis là, avec toi.
Temps.
A : Tu as peur ?
B : Non. Pourquoi ?
A : Alors viens.
B : Laisse-moi.
A : Ici, c’est tranquille. Il n’y a jamais personne.
Ils se regardent un moment. Gêne.
Qu’est-ce qu’on fait ?
B : On discute ?
A : Tu veux discuter ?
B : Ouais.
A : Ok, parlons...
Ils se regardent.
A : Tu ne dis rien.
B : De quoi veux-tu parler ?
A : Je ne sais pas. De ce que tu veux.
Pause.
De toi ?


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