Une fugitive qui recoupe ses traces... J’ai l’impression de faire des pas, des premiers pas dans une neige où personne n’a marché... Traduire, c’est cela... Les premiers pas au monde, un monde de neige et de premiers pas. Mais ce n’est pas la virginité, plutôt la candeur. Une naïveté, comme dans les contes. Traduire, c’est fuir... », dit la Traductrice au regard bleu, de sa voix claire, vive, jeune, aux antipodes des lenteurs sourdes et glacées de l’auteur dont elle commence à traduire l’œuvre. La Traductrice va-t-elle réorienter le regard que nous portons sur lui, aujourd’hui en France ? Cette nouvelle lecture fera-t-elle entendre une conception du politique implicite à l’œuvre de l’auteur norvégien, Jon Fosse ?

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La maladroite humanité qui invite au rire

Dans le carnet de la Traductrice, il y a encore cette citation dont la Traductrice ne se souvient plus l’origine. Par qui a-t-elle été écrite ? Concerne-t-elle même l’œuvre de Jon Fosse ?
Telle est la mémoire des carnets : ils se souviennent de choses dont on ne se souvient pas. Et ils tiennent un discours qui nous échappe, où s’enchaînent les gribouillis, les phrases non finies, les mots, les numéros de page et les chiffres, les listes de courses et les pensées profondes, les passages recopiés, raturés, les choses à faire qui semblent être tirées d’un poème perdu... Néanmoins, cette phrase a constitué une boussole dans le travail de la Traductrice, cette question du rire, cette figure du clown, le clown blanc, un clown de givre, aux contours flous mais aux arêtes tranchantes.
Cette question du rire chez Jon Fosse est moins paradoxale qu’il n’y paraît, car si on reprend son œuvre théâtrale, on découvre que la première pièce de théâtre de ce romancier et poète, Et jamais nous ne serons séparés, commence par des variations sur un éclat de rire décrites avec précision en didascalie.