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Couverture de Les Déplacés

Les Déplacés

de Xavier Durringer


LA FILLE
Ce soir là je ne sais pas ce qui m’a pris
Mais j’ai pleuré devant la télévision.
J’ai pleuré comme je n’avais jamais pleuré.
J’ai vu mon père pleurer, mes frères pleurer,
Tout le monde pleurait.
Tout le monde hurlait dans la maison.
Tout le monde hurlait chez les voisins.
Tout le monde criait dans les escaliers.
Tout le monde s’embrassait.
On a pris la voiture et on a sorti les drapeaux.
Le drapeau algérien et le drapeau français.
Et on a chanté toute la nuit.
Et j’ai senti monter en moi une chaleur
Que je n’avais jamais ressentie.
Que c’était possible.
Que le bonheur ce soir là était possible.
Un flic sifflait et dansait la samba.
Les racailles de ma cité dansaient avec mes frères.
Les français nous embrassaient et nous tendaient des bouteilles de champagne.
J’étais debout sur le capot de la voiture
Et je faisais claquer les drapeaux.
On aurait dit Marianne sur les barricades.
J’ai cru ce soir là être libérée de tout.
De ce poids là dans mon ventre.
J’ai cru que c’était possible.
Qu’on avait d’un coup détruit toutes les barrières,
Sociales, politiques, religieuses.
Mais ce n’était qu’un match de football.
Un simple match.
Qu’un simple match de football.


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