« Les idées infligent des blessures au corps. » (Heiner Müller)

Tout à la fois révolutionnaire lucide, penseur radical, écrivain solitaire et scientifique passionné, Georg Büchner lègue une oeuvre étonnamment féconde qui scrute dans le détail la condition désespérée des individus et les dispositifs sociaux auxquels ils sont confrontés.
Foudroyé par le typhus, Büchner meurt à 23 ans en 1837 sans avoir connu de succès. Certes fulgurant, son passage laisse dans le paysage théâtral des marques profondes et toujours prégnantes aujourd’hui.
Woyzeck à lui seul en témoigne. Dernière pièce connue de l’auteur, qui y travaillait probablement encore dans la fièvre, elle demeure inachevée, composée de manuscrits et de fragments. Matériau brut ? Bloc de scènes sans repères ? Éclats d’histoire dans le désordre ? Les études récentes révèlent pourtant une fable linéaire dont la progression est soigneusement menée.

Büchner propose une dramaturgie nouvelle : faite d’une succession d’instants, elle traque le réel dans sa complexité et son morcellement. Avec Woyzeck, Büchner pose « une sorte de regard angoissé sur la réalité, affirme Heiner Müller, parce qu’on ne peut l’appréhender que de façon partielle. On ne voit pas la réalité, on voit de la réalité, on voit des choses, on voit des situations, on voit des hommes.

Woyzeck est proche de nous par son relief, sa langue et certaines références empruntées à la culture populaire, en même temps qu’il tend vers Brecht et Müller par sa théâtralité. Un théâtre qui mêle tragique et grotesque, sensualité et brutalité, silences et déchirements, et que le metteur en scène veut incandescent.

Si je dois contribuer à notre époque, c’est par la force, la violence, le combat. (Georg Büchner)