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Veuillez agréer

Sébastien Chassagne ( Mise en scène )


: Le Projet

Veuillez agréer est une histoire d’amours à sens unique. L’originalité vient de la narration : la chronologie est bouleversée et le montage, inspiré de techniques cinématographiques. Au centre de la dramaturgie, le recrutement collectif, vécu de 5 façons différentes. C’est le carrefour social à partir duquel se dévoilent le passé et le futur des protagonistes.


DRAMATURGIE DU MONDE DU TRAVAIL


En tirant le fil d’extraits de Curriculum Vitae - ou littéralement « Déroulement de la vie » -, l’écriture aboutit au tissage de moments de vie. Comme une tentative de capturer le cliché d’un bout de CV, échappé de sa feuille et rendu vivant.
Le recrutement collectif est toujours improvisé par le comédien qui interprète René. Il prépare une suite d’exercices managériaux, puis, en direct, et sans savoir ce qu’il leur réserve, les acteurs éprouvent les techniques de développement de la créativité : le consultant virtuel, le portrait chinois, la bissociation, le scénario catastrophe, etc.
Dans l’histoire qui est racontée, il s’agit du seul moment qui se passe au « présent », au sein d’une temporalité éclatée.
Il s’agit d’une forme inédite à chaque représentation, le seul moment qui ne soit pas répété comme le reste du spectacle. Le but est d’amener les comédiens à se surprendre mutuellement, avec la volonté de rendre le plus présent possible cet échange avec les risques et les accidents inhérents à ce type de procédés.


Le CV est un matériau étonnant : centres d’intérêts, expériences, parcours, le CV est riche en surprises.
D’autant plus qu’il n’est pas toujours exactement conforme à l’individu qu’il présente.
Veuillez agréer, c’est l’histoire de 5 bouts de CV avec leur avant, leur présent et leur avenir. Aussi, l’histoire ne se raconte pas dans un ordre chronologique mais dans l’ordre où l’on choisit de raconter sa vie, de manière thématique ou parfois par ordre d’importance. Raconter l’avant et l’après d’un personnage-CV en entreprise c’est aussi se pencher sur plusieurs activités bien connues des cadres.
Pour les employés de bureau, une activité du divertissement s’est amplement développée dans nos métropoles.
Il s’agit des temps de « Team buildings » (construction d’équipe) consistant en des animations artistiques visant à la cohésion du groupe et des « After-Works » (initalement les apéritifs de sortie de bureaux).


Ces After-Works sont une matière à jeu très riche. On peut imaginer les 5 personnages dans plusieurs situations telles que des soirées dansantes, karaokés ou cours de flûtes à bec et les regarder évoluer ensemble dans ces morceaux de vie. Dérouler des CV c’est encore se préoccuper des centres d’intérêts des uns et des autres. Aussi en avons-nous profité pour ponctuer le spectacle de chants, de danses, de surprises improvisées. Des moments inspirés de faits réels de la vie de nos personnages fictifs, s’appuyant souvent sur des textes, Le Rêve d’un Homme Ridicule de Dostoievski, le scénario de Persona de Bergman, et des chansons, Tainted Love de Gloria Jones, PONPONPON de Kyrary Pamyu Pamyu.


MASQUE SOCIAL ET POLITESSE


À partir du moment où l’individu est confronté au groupe, plusieurs questions se soulèvent. D’abord, comment s’affirmer face au groupe, que voit-il de moi, des questions qui mettent en jeu le masque social.
L’interrogation principale n’étant pas « comment me définis-je ? » mais « à quoi ou à qui vais-je jouer ? ».
Le problème n’est pas de considérer qu’il existe un vrai moi et un faux moi, l’un étant moralement bon et l’autre non. Le problème est de rendre compte des décalages qui peuvent s’opérer selon les attitudes attendues à certains moments de la vie sociale.
Par exemple, quel comportement a-t-on pendant un entretien d’embauche collectif en présence d’inconnus ?
Quel est celui que l’on peut imaginer entre amis, autour d’une bière, pendant un karaoké ?


Quant à la politesse, elle est définie par un code. Un code qui ne tolère pas la remise en question.
Elle demeure un ensemble de règles acquises par l’éducation. Elle comporte une double finalité : faciliter les rapports sociaux en permettant à ceux qui en usent d’avoir des échanges respectueux et équilibrés ; faire la démonstration de son éducation et de son savoir-vivre.
Elle questionne la nécessité d’adapter son niveau de langue. Désincarner le langage en acceptant certains codes, permet de se positionner confortablement face à plusieurs situations. D’abord, en recherche d’emploi, ignorer les poncifs de rédaction d’une lettre de motivation ou d’un CV est fatal.


PROCESSUS D’ECRITURE


Après avoir travaillé sur les surréalistes, la compagnie a conceptualisé une manière de créer en cadavre exquis théâtral. C’est-à-dire, dans un premier temps, de constituer une suite de numéros musicaux, théâtraux, dansants, à l’aide du matériau littéraire ou autre, apporté par le metteur en scène. Ensuite, à la table, des personnages s’écrivent et les intrigues entre eux se dessinent.
Puis, chacun décide d’un secret inavouable de son personnage qui modifiera le destin des autres au cours de la traversée. La traversée est le moment d’écriture de plateau qui succède à tous ces préparatifs.
On met l’ensemble en commun dans une improvisation au cours de laquelle les mouvements s’enchaînent de manière aléatoire selon l’humeur et la direction qu’emprunte le groupe. Cette traversée se passe de toute intervention extérieure.
Cela s’apparente au concept de prova dans le théâtre italien, qui peut signifier la preuve, le test, l’expérience ou encore l’essai.
Une fois l’essai effectué, l’écriture se poursuit à la table à partir de cette expérience poétisée jusqu’à obtenir un spectacle cohérent. En s’inspirant du montage cinématographique, les chronologies s’emmêlent de manière à surprendre le spectateur tout en lui laissant la place de recoller les morceaux entre eux.


Au cours du travail sur les masques sociaux, la question de l’autre et de la subjectivité s’est posée. Dans Persona de Bergman, les individus existent et se définissent par rapport à un témoin, un autre, spectateur mis en abyme ou partenaire de jeu. L’intérêt étant de jouer absolument le contre-champ. Par exemple, lors d’une scène de confession entre Liv Ullman et Bibi Andersson, il filme un monologue face caméra en continu et le juxtapose à la même scène du point de vue de celle qui écoute.
Pour produire le même effet au théâtre, l’idée est de rejouer les mêmes scènes depuis plusieurs points de vue. Chaque protagoniste recommence le recrutement collectif dos au public, et enchaîne avec des scènes de son futur possible et de son passé, des scènes extraites de son CV fictif. Notre ligne visuelle s’est appuyée sur d’autre codes cinématographiques tels que le travelling, ou le montage qui permet d’éclater la chronologie.

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