: Notes de mise en scène
Rémi De Vos / L’écriture
Phénomène rare dans la dramaturgie française actuelle, le théâtre de Rémi De
Vos, en prise avec la réalité sociale et politique, la passe au crible de l'humour,
du comique, de l'absurde. Le comique est très lié à son écriture, il transgresse la
ligne rouge de la bien-pensance, brise les tabous de l'idéologiquement correct,
révèle l'absurdité des postures, des discours dominants, normatifs. Pour lui, « Le
comique est un moyen de se débarrasser de quelque chose qui n’est pas drôle
»
À l'heure où l'humour est en liberté surveillée, ce théâtre dérange en opérant
une formidable diversion dans notre système de valeurs, le ramenant à la réalité
crue, intolérable, absurde.
Rémi De Vos ne se soucie pas des modes, il n'est pas obsédé par la modernité.
Son théâtre ne colle ni aux esthétiques ni aux idéologies dominantes. Son
écriture incisive, percutante, va droit au but, se saisit des sujets sensibles, tabous,
s'attaque aux clichés, aux idées convenues, au politiquement correct.
L’écriture de Rémi De Vos parle de la mort, du couple, de la difficulté de la
communication, du pouvoir. La violence de son écriture est très liée à un
humour qui cherche à mettre à distance la dureté des rapports humains. Chez
Rémi De Vos, il y a un rapport étroit entre le malheur et le drôle, entre la
tragédie et la comédie.
« L’écriture de Rémi De Vos, l’air de rien (c’est la grande force des vrais écrivains), a quelque chose d’éminemment paradoxal… Plus elle ressemble à une mécanique, plus elle est sensible. Plus elle ose la sécheresse de l’entomologiste, plus elle laisse entendre en creux, avec un respect, une tendresse incroyable, la fragilité des êtres, la maladresse de leur désir, l’infini de leur solitude. Et plus ses pièces s’enferment entre les quatre murs d’une quelconque banlieue anonyme, plus elles sont traversées par le raz-de-marée de l’Histoire et de la Politique. La clef du mystère ? la langue, qui est l’objet même du théâtre de De Vos, le lieu du drame.»
François Rancillac.
Trois histoires / Un couple
Trois Ruptures s’organise en trois séquences distinctes d’une durée à peu près égale. Chacune des séquences présente un couple dans une situation particulière de rupture. Nous faisons ici le choix de glisser d’une séquence à l’autre avec un même couple d’acteur.
Le texte aborde trois situations qui ébranlent certains fondamentaux de nos
sociétés, comme la domination masculine, la place de la femme, la question
de l’homosexualité et l’avènement de la toute-puissance de l’enfant.
Un des enjeux du texte est de savoir finalement qui va quitter l’autre. Mettre en
scène Trois Ruptures, c’est chercher à découvrir ce qui les attache.
C’est aussi faire le choix de la rupture avec le texte, donner à voir
l’innommable, le sans-mot, la solitude des corps. C’est chercher la rupture dans
la rupture, relever les transitions qui s’étirent, appréhender les répétitions du
quotidien, articuler les gestes appris par coeur, mais c’est enfin redécouvrir le
comique implacable, souvent « border line », qui parcourt la pièce.
Un homme, une femme, un couple, trois histoires drôles et tragiques qui
s’organisent suivant les principes de la rupture : rupture de la relation
homme/femme, rupture de la relation parents/enfants, rupture de l’organisation
sociale.
Le Texte / La construction rythmique
Comme toujours chez Rémi De Vos, la construction rythmique et les didascalies
sont des éléments indissociables de son écriture. Nous faisons le choix de
respecter à la lettre ces indications qui sont pour nous le squelette de la mise en
scène.
Rémi De Vos a pris soin de titrer chaque séquence et d’en indiquer le rythme,
comme pour une partition musicale : Allegro pour Sa Chienne, Moderato pour
Pompier et Presto pour Un Enfant.
C’est pourquoi nous allons jouer sur l’enchaînement des scènes et des dialogues
en respectant cette rythmique. Notre dramaturgie sera intimement liée au
temps, au rythme et à l’espace agencé dans le texte.
Dans le solfège, le tempo est l'allure (la rapidité relative, la vitesse ou encore le
mouvement) d'exécution d'une oeuvre musicale. Chez Rémi De Vos, c’est la
même chose, le tempo est toujours en avant de son écriture. Pour Trois Ruptures,
c’est clairement indiqué.
Dans l’oeuvre de Rémi De Vos et particulièrement ici, le fond et la forme
procèdent toujours de la même intention. Ce n’est en aucune manière une
posture littéraire mais plutôt une nécessité qui surgit de son rapport à l’écriture,
un geste unique regroupant des énergies multiples.
Ainsi, les situations se succèdent, se suspendent, s’accélèrent et se ralentissent,
on passe très rapidement d’un dialogue à l’autre. On est tenu en haleine par
l’intrigue et ses rebondissements jusqu’au dénouement final de chaque
séquence.
Le texte est également parsemé d’indications de pauses entre les dialogues :
« Temps / Il la regarde / Elle le regarde / etc… »
Notre travail consistera à trouver la justesse et la résonance de ces points d’orgue, de ces silences et de ces pauses avec l’élaboration des tempos dramaturgiques. Le rythme mis ainsi en rapport est ce qui déterminera la durée des dialogues et des silences.
Les didascalies / la scénographie
Dans les didascalies, l’espace n’est pour ainsi dire peu ou pas décrit : une table,
des chaises, une porte, une pièce à côté…Nous travaillerons donc à un espace
minimal, quelques éléments de mobilier, un sol blanc et des murs tendus de noir.
La simplicité de la proposition scénique sera comme une garantie des aspects
formels présents dans la structure même du texte.
Si la boîte noire est l’évocation du théâtre, le blanc du sol évoquera la page
blanche au milieu de laquelle les personnages évolueront. Et si des didascalies
découle la scénographie, nous aurons sur le plateau blanc, une table laquée
noire et deux chaises laquées noires à gauche, un fauteuil noir (type fauteuil de
coiffeur) en plein centre et un canapé d’angle noir en cuir à droite.
Trois espaces de jeu, comme les trois parties d’un tout, évoluant sur un même
plan. De la même manière, nous ne séparerons pas les trois parties du texte en
trois petites pièces autonomes, mais nous jouerons la pièce en continu, sans
arrêter le jeu.
Enfin, nous avons choisi d’apporter un soin particulier à l’élaboration sonore et
visuelle du spectacle. Recourir à une sonorisation du plateau comme travailler
sur de la vidéo directe permettra d’élaborer une vision distanciée, non
naturaliste.
Tous les mouvements seront orchestrés de manière très précise et la lumière
jouera un rôle important dans l’expression scénographique.
Othello Vilgard
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