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L'Homme-Confiance

+ d'infos sur l'adaptation de Vivien Guarino ,
mise en scène Florence Beillacou

: Note d’intention : mise en scène

Cinq comédiens – quatre hommes et une femme – se partagent l’ensemble des rôles. Deux comédiens incarnent les différents avatars de l’escroc (l’homme en deuil, le docteur herboriste, le cosmopolite, etc.) tandis que les autres sont tour à tour leurs « victimes » (la bourgeoise, l’homme d’affaires, le misanthrope, etc.). Cette distribution où chacun des comédiens joue plusieurs rôles est indispensable pour jouer l’ambiguïté : est-­ce le comédien qui joue à chaque fois un personnage différent, ou bien incarne-­t-­il un personnage qui lui-­même change d’identité et se métamorphose d’une scène à l’autre ? Cette métamorphose est-­elle calculée ou surnaturelle ?
Tout l’intérêt de l’oeuvre étant de ne jamais révéler les intentions – honnêtes ou malhonnêtes – des personnages, ni l’authenticité de leur identité, nous maintenons également cette ambiguïté. Pour cela, la scénographie, les costumes et la direction d’acteurs s’élaborent en étroite collaboration.
Le décor est composé principalement de malles-cabines qui évoquent l’univers du voyage. Elles servent tour à tour de banc, de table, de bar, mais aussi d’étal pour le docteur-­herboriste et de réserve de costumes pour les comédiens. Différents lieux sont ainsi dessinés tour à tour : le pont du bateau, un fumoir, un salon de jeux, une cale sombre… Des casiers de pêche sont transformés en projecteurs, qui sont manipulés par les comédiens eux-­mêmes pour éclairer la scène. Ces projecteurs-­casiers évoquent à la fois le lieu du bateau et l’univers du spectacle : sur le « Fidèle », chacun se met en scène pour parvenir à ses fins…De part et d’autre de la scène, on trouve des coulisses apparentes : les comédiens s’y changent, les escrocs y épient leurs victimes… Le travail de la lumière vient transformer cet espace unique : « poursuite » sur le personnage prestidigitateur, contre-­jour fantastique, simple lanterne dans la cale du vieil avare, visages dans l’ombre de chapeaux… La scénographie se dessine en clair-­obscur, et joue avec les apparences.
A l’exception de certains costumes pittoresques, comme celui du cosmopolite qui porte sur lui un élément de chaque pays qu’il a visité, les costumes sont en niveaux de gris, se ressemblant les uns les autres tout en étant légèrement différents, afin de jouer sur la confusion. Pour caractériser chaque personnage, des accessoires – une pipe, un chapeau, une canne, un monocle – ou des éléments de costumes – un gilet coloré, une cravate, un manteau – viennent compléter les accoutrements. Là encore, le doute doit s’installer : s’agit-­il de véritables vêtements ou bien de déguisements endossés par l’escroc pour jouer ses rôles successifs ? Un seul indice distingue les supposés imposteurs des autres personnages : ils portent chacun un élément de costume peint, cravate, gilet ou veste. Les costumes s’inspirent de modèles du Sud des Etats-­Unis des années 1860 à 1930, sans chercher un naturalisme qui ne correspond pas à la dimension expérimentale du spectacle, et en évitant les éléments trop « datés » afin de conserver une certaine abstraction. Nous sommes bien sur un bateau qui descend le Mississipi, mais le monde recréé sur scène est avant tout un monde imaginaire, quoiqu’il ressemble étrangement au nôtre.
Le jeu des acteurs joue également d’ambiguïté : chaque personnage est caractérisé pour offrir une galerie de figures satiriques au fort potentiel comique, dans lesquelles les spectateurs reconnaissent des types contemporains, comme ceux du charlatan et du commerçant. Mais le jeu des acteurs doit également « prêter à confusion », en soulignant les échos et similarités, dans le texte mais aussi dans le jeu, entre les différents personnages que les acteurs incarnent successivement. Un des comédiens, également guitariste, accompagne 7 certaines scènes et contribue à évoquer le Sud des Etats-­Unis, avec une partition inspirée des negro spiritual, du blues et des débuts du jazz.
Enfin, la mise en scène s’appuie également sur l’univers de la magie, de la prestidigitation, qui parcourt l’ensemble de l’oeuvre : comme un magicien des mots, l’escroc parvient en effet à envoûter son audience et à lui faire croire à des transformations magiques. On assiste à des métamorphoses soudaines de certains personnages, à des apparitions et des disparitions énigmatiques… L’univers de la magie, ses formules, son décorum, ses codes, sont une source d’inspiration pour la mise en scène.
Les mises en abyme – théâtre dans le théâtre, acteur jouant un personnage qui lui-­même joue un rôle –, omniprésentes dans le roman, prennent sur scène une dimension vertigineuse. De l’esthétique baroque explorée dans les spectacles précédents, nous conservons donc le souci du détail, l’économie des moyens, la démarche expérimentale et enfin la primeur accordée à la compréhension précise de la richesse du texte offert au public.

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