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S.P.R.L.

mise en scène Jean-Benoît Ugeux

: Intention

S’il fallait résumer l’idée du projet en une phrase, ce qui est une opération des plus périlleuses, celle-ci serait fort probablement :
« L’entreprise est une famille, la famille est une entreprise. »


Pourquoi donc entremêler ces deux entités -apparemment- si éloignées ?


Parce que la microcellule familiale est le lieu de terribles compétitions et de guerres, infiniment larvées et dévastatrices. Et que certains de ses membres ne convenant pas aux normes familiales, tacites et insidieuses, doivent s’adapter ou s’effacer. Avec ou sans fracas, avec ou sans déchirures profondes comme des mémoires.
Et que ces « dégraissages » sont monnaie courante dans nombre de familles et ont une furieuse gueule de libéralisme affectif.


Parce que l’entreprise « moderne », pour assurer sa survie et augmenter ses profits, a adapté ses méthodes de gestion interne en un fonctionnement au visage familial au moyen de séminaires, de formations ludiques, d’autoévaluations « constructives » (et de tout un charabia psychosociologique que l’on a regroupé sous le ténébreux terme de « culture d’entreprise » et qui est aussi terrible que captivant.)


Parce que de nos jours, les deux deviennent indubitablement liés, certainement d’une autre manière que lors des entreprises familiales du siècle dernier, et que l’étude de leurs rouages et mécanismes réciproques permet d’approcher la modernité d’une manière qui m’apparaît comme théâtralement et sociologiquement forte et riche. Et qui mérite amplement d’être travaillée sur un plateau de théâtre.


À défaut de pouvoir a priori définir par le menu ce que ce spectacle sera, ce qui serait ambitieux et malhonnête à cette étape-ci du travail, il est néanmoins fort évident de préciser ce que ce travail ne sera certainement pas… À savoir une mise en en scène Brechtienne où les comédiens, le poing levé à l’avant-scène, fustigent en braillant les conditions de travail de la Corée du Sud (et brûlent des Nike ou des Adidas en signe de protestation) ou un cours accéléré de « coaching » et de culture d’entreprise avec un vocabulaire sciemment incompréhensible pour se gausser des gens « qui ont perdu contact avec la vraie vie » ou encore un pamphlet gauchisant, manichéen, anti-économique et antilibéral. Que nenni.


Ce qui existera sur le plateau : Une réflexion théâtrale sur la famille comme lieu de luttes intestines, conflits de pouvoir, espace de violence et de pugilats silencieux et conjointement sur l’organisation, les structures, applications et dérives du travail dans la société occidentale européenne.


Pour ce faire, je vais écrire l’histoire d’une famille avec ses histoires, ses secrets, ses enfants mal-aimés, ses cadavres.. Ses démons en un mot.
Le père, ancien patron d’entreprise ayant congédié des centaines d’hommes, remarié suite au décès -ou au départ- de sa femme. Sa deuxième femme, moins aimée que la première... La soeur du père (de l’âge de la deuxième femme) et dont toutes les ambitions de réussite ont toujours été soldées par des fiascos par manque de soutien de ses proches. Le fils qui aimerait être un requin aux dents longues et tout à la fois un calme poisson d’eau douce et la fiancée de celui-ci, qui débarque dans ce jeu de quilles et qui se retrouve entre les bourreaux et les victimes, sans savoir vraiment qui joue quel rôle finalement...
Les mariages fracassés, les castrations muettes et patientes, les désirs inassouvis, les jalousies savamment aiguisées, les pressions inextinguibles, les abandons et les discrédits.. Tout ce qui fait une famille (tout ce qui fait une entreprise)


Et de disséquer le monde contemporain de l’entreprise, et du travail de manière générale, pour analyser les rapports de pouvoirs, de pression(s), de possession, de soumission, de luttes internes pour pouvoir appliquer ceux-ci au milieu familial. Des allers-retours incessants et sinueux qui n’auront de cesse que de se confronter et s’enrichir l’un l’autre.


Il n’est pas question de faire stricto sensu correspondre la vie de la famille avec celle d’une entreprise mais de prendre une « distance scientifique » afin de permettre de faire coïncider des systèmes structurels et se concentrer sur leurs frottements, leurs disharmonies, leurs unissons.

Jean-Benoît Ugeux

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