Au nord de la péninsule ibérique, une jeune fille se travestit pour aller à la guerre. En Andalousie, une gitane fait parler d’elle tant par son appétit sexuel que par ses traits mystérieusement androgynes. Elles sont la Doncella Guerrera et la Tarara, deux héroïnes troubles qui naviguent entre les genres, personnages de deux « romances incertaines » perpétuées dans les chansons populaires, et que François Chaignaud convoque dans un solo de danse et de chant aux brillantes anamorphoses. Porté par quatre musiciens spécialistes des registres ibérique et folklorique, le chorégraphe passe avec virtuosité et intensité de l’art sacré à l’esthétisme queer, nouant les fils du passé et du présent dans une mise en scène sensuelle signée Nino Laisné. En filigrane se dessine une troisième figure, celle d’Orlando, héros transgenre chez Virginia Woolf qui, à trente ans, se réveille dans la peau d’une femme et arpente le monde durant trois cents ans. Un monde qui, constate Orlando, n’existe que dans les incessantes métamorphoses de l’expérience.