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Richard III

+ d'infos sur le texte de Peter Verhelst traduit par Christian Marcipont
mise en scène Ludovic Lagarde

: Présentation

Cette adaptation de la pièce de Shakespeare a ceci de particulier qu’elle déplace la perspective habituelle : ce sont les femmes, dans ce Richard III qui sont les réceptacles de la douleur. Le public découvre Richard III par les yeux de la duchesse d’York, atterrée par la tyrannie de son fils, mais dominée par son amour maternel pour cet enfant qu’elle a vu tourner au monstre depuis sa naissance.


Dédaignant tout péripétie anecdotique, Peter Verhelst se concentre sur les motifs émotionnels des protagonistes, exposition – obscène ? – de l’intime. Il dissèque le cœur ténébreux de Richard, dans lequel le mal se mesure à la recherche de l’innocence, à la quête d’un monde plus pur et à la soif d’amour que Richard invoque pour légitimer la violence. Établissant des parallèles avec les criminels d’aujourd’hui – infanticides, terroristes, chefs de gouvernement – Verhelst campe un Richard III étonnamment complexe et contemporain.




« Silence ! J’enfonce l’épine dans ton cœur,
car la rose, la rose,
elle est dans le miroir avec les ombres, elle saigne ! »
Paul Celan, Silence !


« Le caractère destructeur est toujours d’attaque»
Walter Benjamin



Un précipité de Richard III : la pièce de Shakespeare se resserre, violente et outrancière ; Peter Verhelst accélère la trajectoire solitaire de Richard. Les figures historiques et la dimension stratégique du texte reculent, le jeu politique semble secondaire. Le pouvoir n’est sans doute pas une fin, nul programme ici. Au centre du texte, un Richard dont on ne sait pas bien vers quoi il va – ou quel serait son rêve. Demeure la destruction. Un désir de puissance sans reste ? Pour quoi ? On voit se succéder les meurtres, les explosions – mais en rasant tout ce qu’il approche, c’est aussi sa propre érection qui tombe.


Les vers libres de Verhelst, sa poésie concrète, campent un Richard qui n’est plus marqué d’aucune difformité physique. Mais ce Richard n’en demeure pas moins comme un corps étranger à ce qui pourrait être un monde commun. Ce corps est paroles avant tout. Mais chacun de ses énoncés sera très littéralement exécuté. Par Loyal d’abord, son corps prothétique, puis rapporté par une Voix aux interventions récurrentes. Et les effets, bien réels, de cette violence sans état d’âme sont souvent renvoyés en hors champ.


Sur scène, on voit un homme qui serait à lui-même son propre champ de bataille, consommer tout ce que le monde pourrait avoir de fécond, tout ce qu’il croise d’humain, le féminin d’abord. À commencer par Lady Anne. Le sexe est cru, la caresse violente. Lady Anne en meurt. L’érotisme morbide de Richard fait naître des images de guerre moderne au sein d’une cour élisabéthaine.


Traversé par des fragments du monde contemporain, les baïonnettes, le mortier, des bulldozers, des « avions en formation », le texte prend le temps de mettre en scène des blocs d’intimité, brusquement, comme en gros plan. Et c’est la Duchesse, la mère de Richard, qui ouvre et ferme la pièce. Mais il n’y a rien de psychologique dans l’exploration de ce lien, plutôt l’apparition de quelque chose comme le fait brut de la maternité. Ce rejeton est le mien. Que puis-je faire de sa monstruosité qui est aussi la nôtre, de sa liberté nouvelle, à quoi rien ne subsiste, « délivrance de la délivrance » ? Au nom de quoi Richard perpètre-t-il ses crimes ?


«Enfin l’avenir peut commencer. ».


Marion Stoufflet, octobre 2006

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