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Plus tard j'ai frémi au léger effet de reverbe sur "I feel like a group of one" (Suite Empire)

+ d'infos sur le texte de Renaud Cojo
mise en scène Renaud Cojo

: Facebook : un autre asservissement volontaire ?

L’engouement pour les réseaux sociaux s’explique par une envie de communiquer inégalée dans l’Histoire. Communiquer pour tout, pour un rien, parfois pour rien. Grâce aux outils mis à disposition des internautes, jamais il n’a été aussi facile de garder contact avec ses amis, avec sa famille, de retrouver d’anciens camarades, de rencontrer de nouvelles personnes, et même de s’informer, voire de trouver un emploi. Facebook promet à ses utilisateurs un « monde plus ouvert et transparent, pour une meilleure compréhension et une meilleure communication ». Tout un programme !
Aujourd’hui, « on est passé d’un Web anonyme à un Web de l’identité et Facebook en est l’incarnation », explique Damien Vincent, directeur commercial du site en France. Fini les gens qui s’abritent derrière un pseudonyme ou un avatar. Pour tirer pleinement profit des réseaux sociaux, il faut s’y montrer sous son vrai jour, sous sa vraie identité. Dire tout de soi. Pour que nos anciens camarades de classe puissent nous retrouver. Pour qu’un chasseur de têt puisse nous débaucher. C’est en tous cas, l’impression qui en ressort. Car, bien évidemment, le mensonge, l’enjolivement de ce qu’on est, voire même l’usurpation d’identité existent bel et bien sur les réseaux sociaux. En offrant la possibilité à leurs utilisateurs de se dévoiler, soi-disant autant qu’ils le souhaitent, les sites de socialisation font naître de nouveaux problèmes. Dangers pour les mineurs, violation du droit à l’image, voire à l’anonymat, escroqueries, appels à la haine et même à la violence, utilisation commerciale de données privées, ces sites amplifient les risques qu’encourraient déjà les internautes sur la toile. Faute d’une éducation adaptée, du fait d’une législation parfois obsolète et du manque de transparence des réseaux sociaux, les utilisateurs se retrouvent trop facilement victimes de leurs propres actions, de leur ignorance, parfois de leur naïveté.


Les réseaux sociaux ont réussi un exploit : la majorité des utilisateurs, dont nombre s’étaient insurgés en France contre la mise en place du fichier Edvige, leur livrent leurs données sur un plateau. Gratuitement, et sans prendre toujours les précautions adéquates. La révolution ne fait que commencer… Facebook et les autres ont concrétisé la vieille théorie du Hongrois Frigyes Karinthy, qui suggérait que toute personne sur notre petite planète peut être reliée à n’importe quelle autre, au travers d’une chaîne de relations comprenant, au plus, cinq autres maillons. « Le pape avec les cannibales de Guinée », s ‘amuse Erik Wachtmeister, fondateur du réseau social aSmallWorld.


L’attrait pour ces réseaux est à chercher également au plus profond de l’âme humaine. Pour le psychanalyste Serge Tisseron, le succès du Web social s’est construit « sur les mêmes désirs qui ont toujours poussé les hommes à communiquer avec autrui, à commencer par celui de ne pas être oublié. Aujourd’hui, l’idée d’une personne qui pense à moi toujours, comme un amoureux, est remplacé sur Facebook par l’idée que beaucoup de personnes pensent à moi un peu.


Quantitativement, cela se vaut ». « Il y a aussi désir de valoriser son expérience du monde », ajoute le psychanalyste. Avant, cela se passait par le courrier ou le téléphone, maintenant par les réseaux sociaux. » Chacun y raconte, parfois de manière compulsive, ses voyages, ses exploits, ses dernières conquêtes…


Il y a également le désir « de pouvoir se montrer ou se cacher », ce que Serge Tisseron appelle « l’extimité », lorsque l’on rend public des parties secrètes de soi pour les faire connaître et valider par son entourage, tout en gardant d’autres secrètes. Je peux ainsi y dévoiler une partie de ma sexualité, de mon passé, de mes échecs, mais j’en conserve la maîtrise et je garde pour moi les détails. Je deviens ainsi mon propre agent de relations publiques. En bref, je fais ma comm’. « En plus, les réseaux sociaux satisfont notre désir d’ubiquité, c’est-à-dire être partout à la fois, et notre désir d’instantanéité : ce que je suis se propage tout de suite » poursuit Serge Tisseron. Et puisque l’on est aux désirs enfouis, le psychanalyste Michel Stora note, de son côté, « qu’avec les réseaux sociaux, chacun peut renouer avec son passé, retrouver une période de sa vie d’il y a plusieurs années, au moment où celui-ci réalise qu’il devient adulte. C’est le désir de régresser. »


In « Facebook : Mes amis, mes amours, mes emmerdes ! » (Olivier Levard, Delphine Soulas. Ed Michalon)

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