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Ploutos indoor

+ d'infos sur l'adaptation de Gilles Chabrier ,
mise en scène Gilles Chabrier

: Axes et propositions

« Affreux, sales, bêtes, et méchants » :
De la violence des échanges entre humains quand Ploutos s’en mêle.


Dans Ploutos, Aristophane se garde bien de désigner nommément un responsable de la situation difficile dans laquelle se trouve la cité : tous ont leur part dans les malheurs présents, les magistrats ou les simples citoyens, les riches mais aussi les démunis - ces derniers ne manquant pas seulement d’argent mais aussi d’initiative.
Il faudra qu’Apollon s’en mêle pour trouver le moyen de briser la polarité irréconciliable dans laquelle les citoyens se sont enfermés : riches et malhonnêtes d’un côté, pauvres et honnêtes de l’autre. En leur offrant la possibilité de s’emparer de Ploutos, Apollon les révèle à eux mêmes.
Ploutos voyant, la révolution est en marche avec son lot de violences. Dès lors pauvres et justes sont prêts à tout pour s’emparer de la richesse et comme le souligne Chrémyle, si l’homme devait choisir entre sa famille et l’argent, il n’hésiterait pas un seul instant, puisque la richesse est le moteur de l’action de l’homme, de son progrès comme de son déclin. Il ne peut être question de morale ni de manichéisme ici.


Ce qui nous amènera forcément à nous interroger sur cette logique implacable consistant à produire et consommer toujours plus, oubliant toute activité ne faisant pas l’objet d’un échange monétaire. Et à compter pour zéro ces activités ne serait-ce pas le comble de l’aliénation?


— Nous qui avions cru réaliser enfin notre utopie
— Nous qui pensions avoir enfin fait le deuil de l’homme ancien et animal
— Nous qui pensions avoir enfin canalisé nos instincts et nos désirs
— Nous qui pensions avoir enfin régulé nos pulsions et nos rapports
— Nous nous retrouvons face à un monstre qui, infiltré au plus profond de notre humanité, là où se loge notre désir d’expansion coûte que coûte, la révèle à nouveau.


Car si le Ploutos d’Aristophane s’interroge sur la richesse et sa distribution, il s’interroge aussi sur son sens ! Il n’est donc pas question de porter un jugement de valeur sur une politique quelconque mais bien de s’interroger sur le sens de l’argent, sur cette « violence sacrée fondée sur la rivalité mimétique qui fait que les hommes désirent ce que désirent les autres, et qui conduit au déchaînement d’une violence qu’ils ne peuvent contenir qu’en l’extériorisant par le sacrifice d’une victime émissaire. »


De la violence des échanges quand celle-ci est légitimée par la masse.
« Ploutos » ou « Qui veut gagner des millions ?».


Ploutos, dieu de l’argent… Cronos dieu du temps… Course effrénée des hommes après le Ploutos, le pouvoir, l’autorité, avant d’être avalés un par un par le Chronos… Usure de l’homme emporté par une société qui ne cesse de rechercher la richesse et la reconnaissance, en quête de cette minute de gloire annoncée par Andy Warhol.
Ou comment quatre personnes lambda prétendument extraites de la foule vont être forcées par celle-ci à endosser certains rôles et à agir sous son regard.


Afin de garder la dynamique et les jeux de rôles qui existaient déjà en -388 lors de la création de Ploutos, la pièce sera jouée par quatre comédiens. Ils devront donc se partager les douze personnages apparaissant dans la pièce.


QUATRE ACTEURS POUR TREIZE PERSONNAGES?


-Pour donner à voir qu’aujourd’hui, l’individu est pluriel, multi-facettes. Dans les différents contextes de sa vie professionnelle ou affective, il ne cesse d’endosser des rôles. Les possibilités et les espaces de l’invention de soi se diversifient, s’élargissent.
-Pour exacerber ce sentiment schizophrène ainsi que les ambivalences vieillesse/jeunesse ; jeunisme/sénilité mais aussi masculin/féminin.


Chacun pouvant être tour à tour un vieillard, un jeune homme, une vieille femme, un cadavre, un dieu, un délateur, un maître ou un esclave…


LE CHOEUR COMME REPRESENTATION DES CITOYENS, DES HABITANTS DE LA CITE


En premier lieu, il est important de souligner que, hormis les thématiques qu'aborde ce dernier texte d'Aristophane écrit en -388, l'une des caractéristiques de celui-ci est l'absence des parties Chorales, soit parce qu'elles n'ont pas été écrites par l'auteur lui-même et donc pas consignées, soit parce qu'elles ont tout simplement été perdues.


Nous nous sommes interrogés sur ce qu’était désormais devenu le Choeur à l’heure actuelle où « grâce » à la télévision, à internet, à l’écran en général, l’individu n’a plus besoin d’être en foule, il n’a même plus à sortir de chez lui pour adopter un type de comportement de masse. C’est en isolant les individus les uns des autres que l’écran va pouvoir les faire agir, isolément, comme des foules. La masse, le Choeur, cette entité qui déjà chez Aristophane commençait à devenir de plus en plus spectatrice et de moins en moins agissante, prend une forme inédite, elle devient virtuelle.
« L’homme-foule » parait créé, à la fois totalement délié de ses concitoyens et des solidarités traditionnelles, complètement englué dans un collectif invisible, il semble prêt à adhérer à un système idéologique délirant. Dès lors, l’espace privé et les communautés les plus solides détruites, une nouvelle famille unie devant l’écran devient la cible idyllique des publicitaires.


Le Choeur, déjà extrêmement réduit en -388, sera donc virtuel. En prolongement au travail que nous avions débuté sur «La tête vide», où les témoins, les habitants du village étaient présents de manière cinématographique au spectacle et pouvaient être convoqués par les acteurs au plateau, il nous a paru pertinent d’élaborer une recherche autour d’un Choeur virtuel et d’ouvrir un espace de «paroles» où celui-ci reprendrait sa fonction critique. Chacun de nous étant citoyen spectateur, chacun de nous faisant partie du Choeur, chacun pourrait alors se détacher de l’ « espace mimétique » et prendre la parole.
Le monde des hommes n'a guère changé et les questions de répartitions des richesses, de modes de survie et de morale sont malheureusement, et heureusement pour le théâtre, toujours d'actualité.
Le but étant ici d’inviter les internautes à être virtuellement présents au spectacle non seulement via leur image de spectateurs projetée lors de la représentation, mais aussi à une participation « en direct » à l’écriture des intermèdes choraux manquants et ainsi de confronter le texte d’Aristophane à une écriture de l’«ici et maintenant».
Les interventions ainsi que la présence à l’écran de ces « web-choreutes » seront supervisées et orientées par le Coryphée-modérateur.
Bien entendu le spectateur physiquement présent au spectacle sera pris en compte comme « pendant » du choeur vidéo. Lors des intermèdes choraux, il lui sera proposé, non seulement une prise de parole mais aussi nombres d'interventions sous formes de jeux, de quizz, de questions-réponses autour des thématiques de Ploutos.


-Tout le monde peut-il s'occuper d'économie?
-Faut-il avoir honte d'être chômeur?
-Le statut du travail est-il passé d'aliénant à celui de Graal?
-Le seul mode de vie licite est-il la vie salariée?
-Pire que d'être exploité, ne plus être exploitable?
-Est-il utile de vivre si l'on est pas profitable au profit?
-A partir de quel moment est-on pauvre?
-...


Le spectateur pourra aussi bien se retrouver à son tour pris dans la masse virtuelle.
Des rencontres seront proposées en amont au public, ainsi qu’un forum internet pour faire plus ample connaissance avec le projet et les modalités de participation.

Gilles Chabrier

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