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Odyssée

+ d'infos sur l'adaptation de Pauline Bayle ,
mise en scène Pauline Bayle

: Héros qui es-tu ?

RUSE VS. FORCE


Contrairement à Achille qui était le meilleur des Grecs, la qualité principale d'Ulysse n'est pas la force mais la ruse et avec elle la capacité à se sortir de situations périlleuses. Dès l'Antiquité, Platon compare les deux héros l'un à l'autre admirant la valeur du premier et dénigrant les mensonges du second. Ainsi, plutôt que de dépeindre une humanité forgée dans le dépassement de soi, L'Odyssée choisit de montrer un homme ambivalent et fragile dont l'objectif n'est pas de mourir en héros mais simplement de rester en vie et de retrouver les siens. Ulysse incarne cet être humain par excellence, faillible et ambivalent, attaché à sa famille et à ses racines. Une sorte d'anti-héros avant l'heure en quelque sorte.


Les défauts d'Ulysse sont nombreux: trop orgueilleux, il révèle son nom au cyclope Polyphème s'attirant la colère de Poséidon. Trop fatigué, il s'endort et laisse sans surveillance l'outre des vents.Ouverte par ses compagnons, les vents s'en échappent et les repoussent loin d'Ithaque alors qu'ils s’apprêtaient à retrouver l'île. Infidèle, il reste une année entière aux côtés de la belle magicienne Circé. Et surtout,face à toutes les situations inédites qu'il traverse et pour lesquelles il n'a ni manuel ni grille de lecture, Ulysse a peur.
Cependant, on a bien vu que même dans L'Iliade les héros n'étaient pas épargnés par la peur, bien au contraire. Au lieu de l'ignorer,chacun l'éprouve dans son intimité la plus secrète pour ensuite essayer de ladépasser. Cet aspect déjà présent dans L'Iliade est au cœur de L'Odyssée : c'est en éprouvant la peur que le héros sauve sa peau et c'est grâce à cette peur qu'il grandit.


Par ailleurs, autour d'Ulysse gravitent des personnages héroïques bien qu'ils n'aient pas les attributs traditionnels des héros: on peut penser à la vieille nourrice Euryclée ou au porcher Eumée. Bien qu'ils ne soient pas nobles, c'est grâce à leur intelligence et à leur grandeur d'âme qu'Ulysse parviendra à reconquérir Ithaque. En cela,L'Odyssée propose une vision de l'homme plus humaniste encore que celle de L'Iliade où seuls les héros de guerre étaient dépeints comme des individus accomplis, capable d'actes courageux et de noblesse de cœur.


REPRÉSENTER LE MONDE DE DEMAIN


La distribution des rôles ne sera pas préalable au début des répétitions. On attendra d'avoir expérimenté un certains nombres de situations et d'exercices en lien avec L'Odyssée pour répartir les rôles entre les cinq acteurs. La seule règle sera de procéder à un décloisonnement des emplois traditionnels, décloisonnement fondé sur une approche qui prend les individus pour ce qu'ils sont et non pour ce qu'ils représentent. Comme dans ILIADE, l'idée est donc de jouer avec le genre et l'apparence physique afin de déconstruire des archétypes qui trop souvent viennent enfermer et réduire la perception que les individus ont les uns des autres.Par ces choix, on défendra ainsi la vision d'un théâtre qui donne à voir le monde de demain.


FUIR LES APPARENCES

  • « I'm not interested in how they move as in what moves them
  • « Je ne suis pas tant intéressée par la manière dont ils bougent mais par ce qui les bouge à l'intérieur d'eux. »
  • Pina Bausch

Lors des répétitions, on commencera par travailler non pas à partir du texte de l'adaptation mais à partir de l'épopée originale dans les traductions de Victor Bérard et de Leconte de Lisle. L'objectif de cette phase de travail sera de permettre aux acteurs de s'approprier la matière de l'épopée depuis l'intérieur et non pas depuis l'extérieur et ainsi de se tenir aussi loin que possible de la reproduction des clichés.Cet écueil serait redoutable avec un texte comme L'Odyssée dans la mesure où il fait partie de la culture générale et est à ce titre vaguement connu de tous.


Le travail s'organisera autour d'un fl conducteur qui traversera tous les choix de dramaturgie et de mise en scène. Pour ILIADE, nous avions par exemple cherché autour du concept de la force et ce qu'elle représentait lorsqu'elle circulait parmi un groupe d'individus, d'un point de vue anthropologique et philosophique. À partir de différents documentaires et lectures, nous avions réfléchi à la question de savoir s'il existe par nature des courageux et des lâches, des bourreaux et des victimes. Ce qui était ressorti de cette exploration avait nourri le spectacle aussi bien en ce qui concerne dramaturgie de l'adaptation que la direction d'acteurs.


Pour ODYSSÉE, je souhaite fonder la démarche de travail autour du concept de danger et de la peur et de ce qu'il représente, à la fois à l'échelle de la construction individuelle et à l'échelle d'une société.
Quel rapport faut-il entretenir au danger afin de trouver sa place dans le monde? Cette place doit-elle forcément se conquérir par la force ou bien d'autres moyens existent-ils ? Faut-il encourager la quête de danger ou au contraire défendre une culture qui le proscrit ?


TRAVERSER LA PEUR


Parce que le théâtre ne repose que sur l'engagement dans le présent et parce qu'il n'est fait que de réel, nous travaillerons autour de ces deux axes en les traversant d'une manière concrète. Nous commencerons les répétitions par une journée de stage de plongeon à la piscine olympique de Montreuil. Accompagnés par une ancienne plongeuse professionnelle, nous essaierons de sauter dans l'eau depuis le plongeoir de 3m, puis depuis celui de 7 m et enfin depuis celui de 10 m. L'objectif de cette journée de travail sera de faire l'expérience de la peur sans pour autant se mettre en vrai danger. Il ne sera pas question de réussir ou pas le saut mais simplement de se laisser traverser par ses sensations une fois en haut du plongeoir.Et de réaliser ainsi que la peur est une réaction chimique enclenchée par le cerveau et qui se diffuse dans tout le corps: genoux qui flanchent, respiration qui s'accélère etc. C'est par ce prisme à notre hauteur que nous aborderons le travail sur le texte d'Homère : en créant un point de contact entre l'odyssée d'Ulysse et la nôtre par le vecteur de nos sensations et la réalité de l'expérience.


Et si on parvient finalement à sauter, quelle que soit la hauteur, on pourra alors faire l'expérience d'une forme de dialectique par rapport au danger: ce qui était d'abord vécu comme une épreuve devient finalement une expérience positive et fondatrice pour soi-même. On ne s'en souvient plus comme de quelque-chose dont on a eu peur mais comme de quelque-chose dont on a triomphé. D'un point de vue objectif,c'est le même événement et pourtant ce qu'il incarne est devenu radicalement différent.

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