L'action se situe au centre de l'Europe. Malgré un contexte inconfortable et périlleux (précarité de la compagnie, conflits entre plusieurs générations, menace d'une guerre), une troupe de théâtre se bat pour que l'entreprise subsiste. Il s'agit de lutter, de résister, d'être obstiné. Cette communauté tente de surpasser les obstacles auxquels elle est confrontée. En écho à l'évocation de ce combat, nous pouvons nous référer à Nous devons préserver les lieux de la création, texte de Jean Luc Lagarce, qui défend les lieux du théâtre dans ce qu’ils comportent de fragile, d’artisanal et de chaotique. Lagarce honore cette fragilité et nous dit combien cet endroit-là est précieux dans le processus de création. Dans Nous, les héros, Lagarce met en scène une troupe en difficulté certes, mais il n’est pas question de "dégringolade", d’extinction. Je préfère y lire l’évocation d’une situation toujours menacée, incertaine mais qui n’exclut en aucun cas la possibilité de nouvelles perspectives. A l’intérieur : une mutation, une crise, un changement susceptibles d’ouvrir de nouveaux horizons, à l’extérieur par contre, la menace d'une guerre ne présage pas une perspective heureuse.

Dans Nous, les héros, "préserver la compagnie", mener ce combat est une nécessité qui paraît évidente pour les anciens. Pour les plus jeunes, le sens de tout cela semble plus flou. Lutter pour que les compagnies de théâtre ne soient pas "englouties", pour qu’elles n’implosent pas, c’est aussi se poser toutes ces questions de transmission, d’héritage, comment les différentes générations peuvent interférer entre elles, comment elles peuvent s’instruire mutuellement.

Ces questions de la lutte, du sens, des conflits entre générations m’apparaissent d’une actualité implacable.

Elisabeth Hölzle