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Nour

mise en scène Christophe Rulhes

: L’Histoire

Récit


Au plateau cinq acteurs vont raconter l’histoire de Nour El Yacoubi, née en 1983, fille d’Amin et Djamila, aînée d’une fratrie de 9 enfants. Ses parents sont venus du Maroc et de l’Algérie en France sur les conseils de proches pour améliorer leur quotidien matériel et pour se fondre dans la représentation qu’ils se faisaient de cette ancienne culture coloniale et dominante dont leur pays d’origine s’était pourtant libéré: modernité, accès à la scolarité, connaissance, confort. Ils voulaient changer de vie.


Nour poursuivra ce projet : changer, bouger. A onze ans, elle découvre la danse urbaine. Elle sait que sa mère dansait et chantait et que son père fut un maître de cérémonie, interprète virtuose de musiques et d’acrobaties dans une communauté Berbère. Elle le sait mais rien ne lui fut transmis : une mère au foyer gérant l’économie domestique et l’éducation des enfants, un père saisonnier et maçon, une injonction forte, « Vous devrez réussir à l’école… ». L’ambivalence de la transmission familiale est totale, les informations non verbalisées circulent par bribes, par secrets dévoilés et photos retrouvées, par une attitude du corps, une passation sociogénétique refoulée dans sa manifestation concrète, orale.


Très vite les interdits sont énoncés par des parents convaincus de faire au mieux pour leur fille. Elle doit étudier et appliquer certains codes religieux : la danse n’est qu’un loisir oisif voire dangereux pour son parcours scolaire et professionnel. Nour, selon eux, ne doit pas s’intéresser aux cultures Berbères et Arabes, au Maroc, à l’Algérie. Et pourtant la fierté se lit dans les yeux d’Amin lorsque sa fille lui annonce qu’elle veut retourner au pays d’origine sur les traces de sa famille et de sa grand-mère Habiba. Traverser la Mer et voir de l’autre côté ce qu’il s’y passe.


Trop d’ambiguïté, trop d’ambivalence, trop d’incompréhension et les contradictions s’amplifient jusqu’à la dispute, jusqu’à la rupture. Leïla, la sœur de Nour qui incarne le projet familial en poursuivant un Master de Droit et en collaborant avec une sociologue afin de mener une étude sur la famille El Yacoubi, lui demande de se calmer et de comprendre les propos de ses parents. Mais il est trop tard, Leïla ne convaincra pas Nour qui est déjà bien loin, trop loin sans doute. Le conflit et les drames semblent inéluctables.


Propos


« Nour » est un drame questionnant la biographie et la construction du projet personnel. « Nour » aborde de plein fouet les questions de la transmission familiale des langues et des cultures et creuse les profils psychologiques de personnages qui s’efforcent de vivre ensemble en menant des projets contradictoires et ambivalents les uns par rapport aux autres. « Nour » est le récit fictionnel d’une personne qui s’efforce avec ses attachements de produire une identité narrative cohérente lui permettant de tenir debout et de maîtriser une part de sa destinée. Fille d’une histoire de famille bouleversée qui, en trois générations, est passée d’une vie villageoise agropastorale néolithique à une vie urbaine ancrée dans la rhétorique de la modernité, l’héroïne de « Nour » poursuit un déplacement géographique par une migration sociologique rapide. Parviendra-t-elle à rendre compte de ce déplacement de façon cohérente en donnant un récit sur soi ? Ce voyage aux multiples migrations prendra-t-il le dessus sur son identité en la fragmentant à l’excès, jusqu’à la brisure ? Et Nous, savons nous toujours produire une identité cohérente et unifiée pour nos pairs ? En quoi cette nécessité semble être la condition, la preuve et l’épreuve de notre statut de personne ?


« Nour » est avant tout un récit de famille. Qu’est ce qu’une personne dans une cellule familiale ? Comment les informations y circulent ? Qu’est ce qui est transmis, qu’est ce qui y reste caché ? Et plus précisément, « Nour » est un récit des familles en situation de précarité qui, contrairement aux idées reçues, ne se laissent pas forcément abattre par l’adversité. Malgré les difficultés, pauvreté économique, discrimination, confrontation directe avec les instances normatives ou d’accompagnement – médecins, juristes, administrations, services sociaux, prison – ces familles apportent des réponses différenciées à leurs problèmes, imaginent des stratégies originales et tentent de réaliser des projets.



Techniques d’écritures et de narrations


Le portrait de Nour est une fiction pétrie de faits réels puisés dans des entretiens (enregistrés et filmés) que le GdRA mènera avec divers migrants et fils de migrants venus du Maghreb et d’ailleurs. Cette fiction est aussi nourrie de nombreuses informations puisées dans les témoignages des personnes dont le GdRA a pu faire des portraits dans le cadre de « Singularités ordinaires », des « Experts du Vécu » et de « Pour une belle diplomatie ». « Nour » est une fiction documentée, à la fois originale et potentiellement commune à bon nombre de familles et de personnes ayant connu des déplacements sociaux ou géographiques.


A partir des données d’enquête – entretiens approfondis, rencontres, repérages, documentations – un entretien imaginaire sera écrit, entretien long et biographique réalisé par le GdRA auprès de Nour, personnage de fiction. De ce document seront dégagés une biographie familiale des El Yacoubi et les profils détaillés de plusieurs personnages. Un récit fouillé du parcours de Nour sera établi et certaines scènes de sa vie ou contextuelles de son histoire (avec un h et un H, celle des colonies, de l’indépendance du Maroc et de l’Algérie, du protectorat, du système scolaire, de la troisième république, de « l’intégration à la Française ») seront sélectionnées pour offrir une matière théâtrale à l’improvisation et à l’écriture. Conjointement, un synopsis du spectacle sera écrit dans lequel les corps, les textes, les musiques viendront jouer des scènes et articuler une dramaturgie racontant Nour et les siens. Des matières formelles ayant émergées en parallèle à l’écriture textuelle la déplaceront, la modifieront, la transformeront : ici, le corps, les sons, les mouvements, l’acrobatie, les textes, les images projetées participent d’une écriture commune et concomitante. Les différents médias narratifs se placeront de façons symétriques les uns en rapport aux autres.

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