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Notre Jeunesse

mise en scène Nathalie Garraud

: Politique des acteurs (images de l’époque)

Notre Jeunesse est une pièce historique parce que l’idée, c’est de se détacher, par l’écriture et par le jeu, de nous-mêmes et de lancer d’abord, à la surface du plateau, certains masques de notre époque. Il est beaucoup plus difficile d’apercevoir les codes de notre temps que ceux du passé. Et pourtant, ils sont là, ils nous guident spontanément, orientent nos mains et nos yeux, donnent un grain à nos voix, un tempo à nos phrases, une coupe à nos vêtements. Ils portent une idéologie que l’habitude a fait passer pour une nature. Faire apparaître notre présent comme historique, c’est le dénaturaliser.


On pense à Pialat, à Van Sant. D’abord parce que le coeur de la pièce travaille une zone sociale que les sociologues appellent la « classe moyenne pauvre », celle qui se tient aujourd’hui en un point d’équilibre instable (économiquement, politiquement), celle qui est au bord de basculer dans le vide, celle qui peut renverser l’ensemble.


On pense aussi à Tchekhov et à Beckett, à cause du lien qu’ils travaillent entre le détail, le singulier, et l’universalité qui subvertit la peinture « sociale ».


Et parce qu’ils travaillent, tous, dans leur époque, avec leur époque, contre leur époque.


La question de la pièce historique, de l’époque, elle se pose dans l’écriture comme à l’endroit du jeu.
Ce que nous cherchons dans l’écriture, comme avec les acteurs dans ce que nous appelons le travail du masque, ce sont les rapports qui fondent l’idée et les images que nous nous faisons du monde contemporain, donc des conditions de notre existence, mais surtout qui les dépassent, et qui nous dépassent. Nous acérons notre regard, en le déplaçant, et nous musclons notre imaginaire, c’est-à-dire aussi notre expérience (technique et existentielle). C’est ce que nous avons entrepris il y a deux ans, en créant une étude par trimestre et en la confrontant à des adolescents, à des enseignants, à des parents...


Parce que c’est une question de musculature : imaginaire, pratique et politique. C’est cette musculature qui finit par produire une forme (en lieu et place d’une esthétique).


Dans un entretien entre Straub et Daney, à un moment, Straub parle de l’imagination et il dit que l’imagination au cinéma, c’est ce qui de l’expérience passe dans l’image, et que ça n’a rien à voir avec le rêve ou toutes ces conneries. Encore Straub : « Les choses n'existent que lorsqu'elles ont trouvé un rythme, une forme. L'âme naît de la forme du corps, c'est Thomas d'Aquin qui avait découvert ça, et il savait de quoi il parlait : il était Napolitain. Quand quelqu'un vous dit : la forme, c'est la forme, y a pas d'idée, c'est de la veulerie, c'est pas vrai, il faut voir les choses clairement : y a l'idée, ensuite y a une matière, et ensuite y a une forme. Et ça y a rien à faire, personne ne peut y couper ! (...) de la lutte avec la matière sort la forme. Voilà. Et le reste, c’est vraiment de la sauce sur les cailloux, hein... »


C’est ce que nous essayons de faire quand nous créons des masques (qui se bâtissent avec les images de l’époque et contre elles). C’est ce que nous travaillons à l’écriture et à la mise en scène (qui se font avec les rapports qu’articule l’époque, et contre eux).

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