: Note d'intention
Qui l'a fait ?
Qui a tué la jeune fille à coup de pieds dans le ventre, sur le visage ? Qui lui a brisé
toutes ses dents avant de la déshabiller, morte, pour finalement la jeter dans un
fossé ?
Fausto Paravidino est un jeune auteur en colère.
Les politiques qui se désengagent, les médias qui ne sont que des vendeurs... Pour
lui la violence a tout envahi, même la cellule familiale. Et de sa colère il a fait un
poème, un poème tout à la fois théâtral, burlesque et macabre, un poème à six voix.
Et de ces six voix : le boy, le cop, la mother, le pusher, le boy friend et la bitch, c'est
toute une petite ville italienne qui se met à vivre sous nos yeux au rythme effrayant
d'une enquête policière.
Construite comme un oratorio, la pièce joue de la parole et de l'image. Il y a six voix
donc, mais plus de 25 personnages participent en fait à cette course contre la
montre. Il y a ce qui est dit et ce qui est montré, celui qui parle et celui qui se tait.
En bouleversant ainsi la structure théâtrale, en puisant dans l'univers du roman noir, Fausto Paravidino réinvente les possibles du théâtre.
Il place la question fondamentale de l'enfance: « J'ai peur mais de quoi, de qui ? »
au coeur de sa pièce. L'angoisse de mort se déplace sur l'angoisse de ne pas savoir.
Il crée ainsi un rapport d'immédiateté dans le contact avec le spectateur. L'utilisation
du présent nous plonge en plein crime : le suspense, c'est l'instant présent.
Et comme il "est" profondément un homme de théâtre, son meurtre est un meurtre
appartenant aux mythes fondateurs : ses personnages sont populaires, issus d'une
modernité angoissante mais ils rejouent indéfiniment l'histoire d'Iphigénie et
d'Agamemnon.
Il y a eu meurtre : le destin de l'une va-t-il bouleverser pour tous l'ordre établi ?
Nous nous emparons de sa colère et de son poème.
Depuis le début de l'aventure du collectif, nous souhaitons un rapprochement
puissant avec le spectateur, qu'il soit spatial ou émotionnel, voire politique.
Nature morte dans un fossé répond totalement à cette nécessité. Cette fois la
notion de suspense devient un véritable enjeu théâtral. Peut-on faire peur au
théâtre ?
Nous imaginons cette "nature morte" sur la vaste scène d'un plateau nu, pas de
scénographie arrêtée pour restreindre la fable noire de Paravidino, seuls les murs du
théâtre pourront stopper l'invasion des figures.
Les personnages de la pièce par leur langage, leurs silhouettes se suffisent à eux -
même pour donner vie à ce monde de putes, de dealers, de flics, de petites jeunes
filles assassinées.
Nous serons sept pour incarner les 25 personnages, et parce que le théâtre rend
parfois les morts plus vivants que les vivants, le cadavre d'Élisa sera de chaque
instant, comme une figure rêvée.
Oui, travailler le rêve comme un principe de mise en jeu, engager les corps en
approfondissant le travail commencé dans Push up avec le danseur-acteur Gilles
Nicolas. Sur le plateau nu, nous souhaitons développer les accessoires de ces
figures : la table familiale, la perfusion du flic, les talons des putes qui arpentent les
abords du périphérique...
Et pour accompagner l'espace réel du théâtre, les silhouettes, les objets, nous
imaginons un travail très développé en lumière : tout d'abord un découpage de
l'espace qui s'adaptera à chaque plateau et accentuera encore les figures. Mais
également, un travail sur la définition d'atmosphère comme sur de la pellicule afin de
procéder à un véritable étalonnage : dans la pièce de Paravidino il y a le noir et blanc
surexposé d'un film de Pasolini (le ciel est si blanc quʼil nous aveugle) et en
contraste, le technicolor de Tarentino (le sang brille et il enivre).
La cacophonie des sirènes de flics, les pneus qui crissent aux abords du
périphérique, le silence d'un repas conjugal, le rythme du secret et de l'intrigue,
donner à entendre les pulsations de lʼenquête et de lʼangoisse…
Le son : un partenaire à part entière. Mais il sʼagit bien de théâtre et les coups de
gueule et de gouaille de Dario Fo ne sont pas loin.
Quand nous avons commencé à travailler ensemble, il nous semblait essentiel de
conserver une certaine légèreté en s'adaptant à chaque nouveau lieu, ça nous
permettait également de nous sentir toujours fragiles, même après un grand nombre
de représentations.
Notre point de vue n'a pas changé.
Nous souhaitons utiliser le plateau de théâtre avec tous ses moyens, tous ses
recoins, et si ces moyens diffèrent de ville en ville tant mieux, le travail évoluera sans
fin.
Nous décidons pour la troisième fois de réunir nos sept imaginaires et de faire acte
de mise en scène et d'interprétation ensemble.
Le collectif D.R.A.O.
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