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: Un life show familial

Notes sur l’adaptation


Un des principes fondateurs de notre Collectif réside dans l’envie d’adapter des textes non-destinés à la scène. Le roman d’Hervé Guibert occupe dès lors un statut particulier dans cette démarche, puisqu’il est déjà lui-même adaptation, d’extraits de journaux et d’annotations diverses faites par l’auteur. En privilégiant le texte, la littérature comme matière à faire du théâtre, nous faisons ainsi le choix de réinterroger à chaque fois les principes de la représentation. Adapter revient à trouver dans le récit le moyen d’exploiter spatialement et dramaturgiquement la parole d’un auteur, de la projeter sur un espace public. La construction narrative du roman n’appelle pas au respect mais à la traduction : ne pas traduire la linéarité du récit mais bien plutôt les ressorts dramatiques qui charpentent l’oeuvre, ici le travail de construction-déconstruction de celui qui met en scène sa mémoire. Le roman d’Hervé Guibert est, en ce sens, un véritable appel à projet, en cela qu’il n’a de cesse d’inviter à son prolongement et à sa trahison.


Un roman de l’échec


Dans « Mes Parents », Guibert segmente ses souvenirs familiaux, les traite en épisodes semi-chronologiques : il manipule à sa guise les fantômes de son histoire individuelle, il éclate la hiérarchie familiale pour mettre en scène des icônes (son père peut devenir le père d’un autre, l’institutrice l’emblème des souvenirs de notre propre scolarité…). Son texte, aussi menteur soit-il, s’avère être déjà un lieu pour la circulation de la parole : il fragmente puis éclate son sujet (entre paroles rapportées, discours directs, jeux sur les pronoms et articles désignant les parents…), instaurant un effet de distanciation vis-à-vis de la famille mais aussi du narrateur envers lui-même. Surtout, en nous tendant le piège du souvenir, il nous transmet cette énergie qui oscille entre la volonté de se dire et l’impossibilité à y parvenir. En annonçant l’échec de son projet, Guibert nous met face à notre propre fracture autobiographique. Comment se définir aujourd’hui à partir des manques que nous révèle notre mémoire familiale ? La première personne du narrateur devient plurielle, masculine ou féminine, elle donne voix à ces figures communes à nos souvenirs, que nous souhaitons mettre en scène. L’échec littéraire de Guibert se transforme ainsi en projet théâtral, il marque sa volonté de ne pas répondre à un romanesque coupé de la vie et de faire de la vie-même une oeuvre partagée.

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