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Mokhor

+ d'infos sur le texte de René Zahnd
mise en scène Philippe Morand

: Entretiens

QUESTIONS À RENÉ ZAHND



Eva Cousido, Cahiers du Poche n°3
Extrait


Pourquoi dédiez-vous Mokhor à Hassane Kouyaté ?


Hassane est noir, je suis blanc. Il est africain, moi européen.
C’est un homme de l’oral, alors que ma parole est écrite. Je le vois comme un nomade qui transporte avec lui ses racines, je suis un sédentaire qui ne cesse de voyager. Ce sont sans doute là quelques-unes des raisons qui expliquent notre rencontre. Si je lui ai dédié Mokhor, c’est aussi parce qu’il m’a commandé ce texte, avec la seule contrainte qui importe : celle de l’amitié.


D’où vous est venue l’inspiration de Mokhor ?


Mokhor est le fruit d’une rêverie nourrie par de grandes lectures épiques, par des lieux visités lors de voyages, par ma gourmandise verbale, par tant d’histoires anciennes qui continuent leurs murmures en nous et qui cherchent à exister dans le présent.




LE MENSONGE SACRÉ DES LÉGENDES



Entretien avec Philippe Morand
Eva Cousido, décembre 2005


Qu’est-ce qui vous a poussé à mettre en scène ce monologue ?



Zahnd est « tombé en amour » avec l’Afrique. Il découvre dans ce continent des modes d’expression, des cultures et des décors, qui lui parlent. En écrivant Mokhor il ne fait aucun doute que cette passion est à la source de son inspiration. Il écrit pour un acteur-ami africain remarquable, mais cette pièce n’est pas africaine. Elle s’inscrit dans le panorama des récits épiques. Dans la préface de sa pièce, Zahnd cite Gilgamesh (une oeuvre que je rêve depuis longtemps de conduire à la scène), le Mahabharata et d’autres, c’est-à-dire des histoires universelles qui prennent leurs racines dans la matière des hommes et non dans des cultures fermées. J’aime Mokhor pour sa capacité à raconter un nouvel épisode des contradictions de l’humanité. C’est une fiction totale et pourtant, elle parle de chacun de nous.
J’aime dire que les légendes ont le mensonge sacré.


Dans {Mokhor, récit et dialogue alternent. Le récit raconte la merveilleuse histoire de Mokhor, sa grandeur et sa décadence. Les dialogues, en revanche, nous ramènent au moment présent et portent souvent un regard très dur sur la société. Comment raconter cela ? Allez-vous maintenir cette confrontation des temps, dans votre mise en scène ?}


Le texte est remarquablement écrit. Les mots disent tout ce qui n’est pas représentable en scène ; ils se suffisent à eux-mêmes. Il importe donc de trouver qui est ce narrateur aujourd’hui, d’où vient son regard très dur sur une société passée, qui résonne au présent et qui défie l’avenir. Nous avons donc cherché à inscrire cet homme dans un univers qui puisse évoquer autant la mémoire ancestrale de l’humanité et son inscription ici et maintenant.


Malgré le lyrisme et la beauté de l’écriture, la pièce de René Zahnd est une critique acerbe de notre monde. Vous-même, lors d’un entretien dans le quotidien 24 Heures, vous parliez de la violence que porte ce texte. Avez-vous toujours ce même regard ?


Zahnd fait alterner les formes, il joue des ruptures, il casse la tonalité. Cela pose de nombreux problèmes de narration et de jeu, c’est passionnant de se confronter à ces questions.
C’est vrai que la violence est très présente dans ce texte. Rares sont ceux qui diront qu’ils aiment la violence. Mais nous savons que les histoires les plus représentatives, en littérature comme au théâtre, sont celles qui n’ignorent pas cette part essentielle de l’Homme et ses rapports aux autres.
C’est moins le monde, que la place de chacun de nous dans ce monde, qui est mis en perspective critique. Nous sommes tous porteurs et responsables de la brutalité de nos rapports.
Qui dit violence dit forcément aussi amour. Qui dit mémoire dit obligatoirement aussi tentative de détournement des faits, trahison et vengeance ; violence à l’endroit du souvenir même. Il n’y a aucun désespoir dans ce texte ; il y a simplement évocation et réflexion à propos d’une réalité qui ne date, hélas, pas d’aujourd’hui. C’est donc l’avenir qui est interrogé ici.
Mais il y a aussi dans le texte de René Zahnd, une « jouerie », une dérision, qui donnent à ce propos un relief salvateur.

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