Ce n’est pas d’une histoire d’amour dont je souhaite parler à travers la mise en scène de ce texte, mais de la rencontre entre deux individus, entre leurs univers. Ce sont deux êtres perdus dans leur présent minuscule, à la frontière entre leurs mondes respectifs Terre et Mer, que la nuit rend indiscernable. Le travail scénographique et la mise en espace iront dans ce sens.

A priori, ce sera à la fois un spectacle sombre, très doux et calme. Mais aussi âpre, poétique, dur, pétri de nos contradictions d’humain. Pas un conte. Un instantané photographique où nous exposerons ce moment précis où la parole se lâche et où les deux membres d’un couple se mettent à communiquer de nouveau. Où, malgré notre indivisible étrangeté, le véritable échange se met à exister.

Il y a sous chaque réplique de Mer une autre réplique latente qui réclame d’être formulée et prépare la collision de nos personnages. La mise en scène s’attachera particulièrement à révéler l’existence du non-dit, à faire entendre ce texte – constitutif de l’œuvre – qui n’est pas écrit mais se situe dans l’espace entre le silence et la parole. Même lorsque finalement, la langue se délie : ce sont des vérités qui s’articulent pour mieux cacher les sentiments.

Parce qu’il appartient au public d’entendre le sens de ces silences pleins, ou de la parole dite, avec son oreille intime, j’ai choisi de débarrasser notre futur spectacle de toute considération psychologique. Ce sera justement par cette porte, en permettant au spectateur de plaquer sa propre histoire sur ce couple «exposé», que je compte laisser surgir et épingler l’universalité du propos. Une trinité : l’Homme, son amour, sa solitude.

Dans sa forme on peut décrire notre projet comme un court métrage à l’intention du spectacle vivant. Pour sa durée d’abord, j’ai choisi d’en faire un spectacle de 30 minutes environ à la fois dense et tranchant. Le roman a ses nouvelles, le cinéma ses courts, le théâtre... Mer. C’est surtout la nécessaire concision de la forme courte qui a valeur aux yeux de ce projet. Cette obligation d’aller à l’essentiel, de ne filmer qu’une seule intrigue, qu’un seul sujet. Cette belle crudité du propos lorsqu’on l’expose ainsi : seul et nu.

Damien Reynal