- Tu veux que j’te dise quelque chose ? (...) J’arrive pas à te le dire. J’ai l’impression que je trouve pas les mots, j’ai l’impression qu’on a pas d’mots pour dire c’qu’on pense. On parle, on parle et on fait qu’du vent : t’as mangé, t’a dormi, t’as travaillé, t’es fatigué,?, pour demain c’est le bon dieu qui y pensera. Et de ces mots là on en a plein la bouche. T’en connais d’autres, toi ?

Un homme et une femme, la mer ; une langue qui ne permet pas d’exprimer toutes les profondeurs d’un ressenti, une langue faite des nécessités quotidiennes, qui n’a que le présent, un présent dilué sur la ligne qui sépare terre et mer. Mer est une partition musicale, un duo rythmé par la lenteur et le calme de la mer la nuit. Lui est assis au bord de l’eau. Elle, au lieu de rentrer à la maison, se met à parler, alors qu’ils ne le font presque jamais. C’est alors qu’ils se surprennent à dire ce qu’ils ne se sont jamais dit et à dénouer les nœuds qu’aucune langue ne pourra jamais dénouer, avec des mots qu’aucun son ne pourra jamais restituer.

Par des phrases sobres et immédiates qui disent, se disent et se reçoivent bien au-delà de leur apparente banalité, Tino Caspanello nous offre une parole, forte belle et abrupte. Un amour simple à certains égards, heurté aussi, débarrassé des illusions de sa première jeunesse. Et soudain : cet amour animal, sensuel, si premier qu’il ne se formule pas, prend corps au milieu des silences.