À minuit, elle déambule dans sa tête… elle arpente son appartement, glisse dans sa loggia, se couche, se relève, va à la fenêtre pour observer qui passe dans la rue en bas, qui longe le caniveau, qui marche, qui ne va jamais monter chez elle, qui va s’en aller, au loin, sans lui écrire jamais la moindre carte postale…
À moins qu’en fait, tout se passe dans ma propre tête.
Que ce soit moi qui longe le trottoir en bas en observant une fenêtre allumée dans la nuit.
À moins que tout cela soit inventé.
Un rideau qui s’écarte, des persiennes qui se ferment, un volet qui s’entrouvre…
La jalousie est un sentiment acide qui produit un immense plaisir. La jalousie, ça veut dire, qu’il y a au moins quelqu’un dans la ville à aimer. Et tant pis si ce n’est pas réciproque.
Tant pis.
Une prochaine fois, dans une autre vie, Mary’s sera aimée comme elle le mérite.
Alors le théâtre, est-ce que ce n’est pas déjà cette autre vie tant désirée ?
Peut-être.
Ces spectateurs, là, en bas, dans la salle, dans l’obscurité, ne sont-ils pas les remplaçants éphémères de tous les amoureux transis qu’elle n’a jamais eus.
Espérons !
Espérons pour elle, et aussi pour nous.
Ainsi le théâtre servirait au moins à ça, à refaire sa vie comme on l’entend.

Serge Valletti