: Notes d’écriture
Olivier et moi, nous nous sommes rencontrés au conservatoire de Bordeaux, il y a
maintenant un peu plus de dix ans. Depuis, Olivier a joué, chanté, composé, j’ai pour ma part
également joué, écrit et mis en scène.
Cela fait un brin de temps que nous cherchons à travailler ensemble, aussi cette résidence à
Eclats a permis de nous réunir autour d’un projet commun, créé de toute pièce.
Voici un piano couché, sans son emballage, cordes et bois à nus, et voici un homme : Olivier
Galinou, un grand et long pianiste, comédien et chanteur.
Qu’allions-nous faire de cela ?
Nous avons travaillé durant quelques jours à Eclats, pour explorer cet instrument nouveau,
découvrir ses possibilités de sons, de mélodies, de résonnances, de jeux. Nous avons
échangé beaucoup d’idées, d’images, de textes, de musiques, puis nous nous sommes
focalisés sur l’histoire de ce jeune Japonais qui, ayant épousé Néné Anégasaki, une héroïne
de jeu, annonçait le premier mariage virtuel au monde.
Nous voulions travailler sur cette histoire incroyable, qui résonnait comme un conte de fée
contemporain.
Cela nous parlait d’aliénation, de solitude, d’amours virtuels.
J’ai alors commencé à écrire, à envoyer de la matière texte à Olivier, puis au fur et à mesure
d’essais et d’échanges, notre récit s’est dépouillé de toutes références à cette histoire vraie
pour n’en garder que la substance : la solitude, le travail, l’être rêvé.
C’est devenu une sorte de chant, de poème qui avance par boucles, et qui éclot grâce à
l’histoire d’amour.
J’ai réécouté Glass, Aperghis, relu Jon Fosse.
Je cherchais une forme qui convienne au propos, une écriture qui soit musicale, rythmique.
Il s’agit donc d’une partition.
Nous suivons la parole de l’homme et celle du patron.
La parole du patron vient s’insérer dans la partition de l’homme.
L’homme amoureux va perdre la main au travail, ralentir le rythme, et dégringoler dans la
hiérarchie.
Nous voici pris dans un kaléidoscope, ainsi les jours et les nuits de l’homme se ressemblent, et se succèdent dans une course folle. Une machine, une machinerie se met en place.
Il y a une économie de mots qui, par le mouvement et la répétition, renvoie à une aliénation
au travail, dans un monde clos, serré.
Bientôt, on ne sait plus si l’homme dort parce que le jour s’en va ou si le jour s’en va parce
que l’homme dort, si c’est l’homme qui travaille à la machine ou si c’est la machine qui
travaille l’homme…
Et comme il y a peu de mots, j’ai essayé d’exploiter leurs différents sens, de les regarder de tous côtés, de les ouvrir pour voir.
Enfin, avec l’amour, de nouveaux mots arrivent, des mots et des nouvelles sonorités. Avec
ces mots nouveaux, c’est un monde qui s’ouvre dans l’homme.
Enfin on respire un peu plus.
Enfin l’horizon semble se lever.
Pour le meilleur et pour le pire !
Le piano est le théâtre même de notre histoire : la scène, en tant qu’espace (un piano
couché de 1m50 / 2 m).
L’instrument-scène étant très sensible aux vibrations, chaque mouvement, chaque pas,
chaque corde frôlée produit du son.
C’est donc le corps entier qui joue de ce piano.
On peut également parler d’une chorégraphie, d’une performance, d’une épreuve sportive
pour le comédien musicien.
Virginie Barreteau
Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné,
Je me connecte
–
Voir un exemple
–
Je m'abonne
Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.