: « Les relations familiales sont inexplicables. »
A l’intérieur d’une famille, il n’y a pas de logique. Personne ne peut expliquer ce qui se
passe entre des personnes de même sang. Les relations familiales sont inexplicables.
Comme sont inexplicables les sentiments contradictoires entre parents, enfants, frères et
soeurs. L’amour et le besoin d’être ensemble s’ajoutent à l’envie de maintenir une
certaine distance avec les plus proches. Cette tension domine la vie de la famille.
Toucher à ce qui constitue la famille, c’est se plonger dans l’irrationnel, dans ce que la
société considère comme presque sacré. Personne ne discute le sentiment que doit
éprouver une mère pour son enfant, un enfant pour sa mère. De quels sentiments s’agitil?
Chacun les connaît par le menu, mais ne peut ni les énumérer, ni les généraliser sans
se contredire.
Cependant, dans la vie, ce n’est qu’en brisant des sentiments, en s’opposant à sa famille
qu’on avance. Même si, ensuite, on en reforme une autre, à soi, semblable, à l’image de
la biologique. Ainsi se transmettent sentiments, préjugés, manières de résoudre les
problèmes de la vie. Autrement dit: la culture profonde des sociétés.
Les parents ne parviennent à être vraiment parents que s’ils acceptent l’indépendance de
leurs enfants. Les enfants ne parviennent à être véritablement adultes que s’ils cessent
de dépendre de leurs parents. Les frères et soeurs s’ouvrent un chemin dans la vie le
jour où ils décident d’être différents les uns des autres.
La famille est le lieu où se fait le commerce des sentiments. Le dire est facile. L’accepter
ne l’est pas. Agir comme il convient est toujours impossible. C’est dans la famille qu’on
rencontre les amours et les haines les plus exacerbées.
Quand j’ai écrit Ma famille, j’ai cru que c’était pour moi un moyen de mettre les choses au
clair avec ma propre famille. Ensuite, je me suis rendu compte que c’était impossible. La
famille, même de manière négative, continue d’être présente dans toutes les décisions
prises par chacun. Les années passent et la vie se transforme en souvenirs. Alors, à ce
moment-là, réapparaît la famille avec ceux qui sont là, ceux qui n’y sont plus, les
habitudes héritées, les phrases toutes faites, les histoires, les légendes, les partis pris.
Tout ce que l’hérédité familiale a laissé comme sédiment, parfois depuis des générations.
Il fut un temps où la famille, c’était tout. Il était impossible de survivre sans une famille.
Aujourd’hui, elle est réduite au minimum. Mais demeure la nostalgie de la vie familiale.
Cet espace intime où les générations - trois ou quatre -, depuis les parents jusqu’aux
petits-enfants, font le commerce des sentiments sans aucun artifice.
Carlos Liscano
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