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Lettre à mon juge

mise en scène Johan Simons

: Entretien avec Frank Focketyn

Par Liv Laveyne

Lettre à mon juge est votre tout premier monologue. Pourquoi maintenant ?


Focketyn : « Steven Van Watermeulen avait déjà fait un monologue, « Krapps laatste band », et Elsie de Brauw avait joué « Zus van ». Johan Simons passe ici sa dernière saison en tant que directeur artistique du NT Gent avant de partir pour les Münchner Kammerspiele. J’avais envie de me mesurer à un gros morceau : un solo sur scène, avec Johan comme metteur en scène. J’avais déjà travaillé avec lui auparavant mais à l’époque, c’était avec une troupe théâtrale. Je me souviens d’une fois où nous revenions d’une représentation à Varsovie et où je lui ai dit que je voulais faire « quelque chose tout seul ». Et lui, il a immédiatement accepté. Par ailleurs, je fêterai début décembre mon cinquantième anniversaire. Entamer mon second demi-siècle en osant me confronter à un monologue, je trouvais que c’était un beau début. C’est un vrai défi, mais c’est également très sain : dans une telle situation, vous êtes obligé de vous recentrer sur vous-même et surtout, de revenir vers le public. »


Qu’est Qu’est-ce qui vous a intrigué dans le livre de Simenon ?


« J’ai tout de suite adoré la première phrase du livre : ‘je voudrais qu’un homme, un seul, me comprenne. Et j’aimerais que cet homme, ce soit vous’. Comme pratiquement tout le monde, je connaissais Simenon en tant qu’auteur des enquêtes du Commissaire Maigret. Lettre à mon juge est noir, sombre, un roman appartenant à la catégorie dite des ‘romans durs’. Simenon écrit avec tant de sincérité, il éveille vraiment tous les sens et aborde un point de vue existentiel. Ses personnages sont tellement faits de chair et de sang que vous pouvez presque les sentir. Au fur et à mesure que je lisais sa biographie écrite par un certain Bernard Alavoine, mon admiration pour lui s’est énormément accrue. J’ai étudié le texte quand nous étions à Paris pour jouer « Kasimir et Karoline », la ville où se trame « Lettre à mon juge » et où j’ai moi-même fait mes études ! Je me suis rendu au cimetière de Montparnasse et la première tombe que j’ai vue, c’était celle d’Alavoine. Ça ne peut pas être un hasard. »


Après le try-out, un spectateur a réagi, affirmant que Focketyn ne joue pas Alavoine, il est Alavoine.


C’est effectivement l’objectif que je veux atteindre. Je n’aime pas les scènes jouées. Je veux que l’acteur et le personnage se confondent, que vous ayez Alavoine devant vous et pas l’acteur qui joue Alavoine. Je n’ai jamais joué autrement, pas même pour la télévision. Les personnages les plus tristes de « Uit de gloria » sont tous des éléments de ma personnalité que j’explore et que je grossis. En chacun de nous, il y a une Mère Teresa, un Hitler et toute la gamme entre les deux. Chez Alavoine, c’est de la frustration et de la perversité. Comment sommes-nous éduqués ? Enfants, nous sommes obligés de colorier des dessins délimités par d’épais traits noirs : le petit visage doit être rose, la veste rouge, le petit pantalon bleu… Alavoine se retrouve accablé par les attentes de la société jusqu’à ce qu’il décide subitement et de manière résolue à colorier au-delà des traits noirs. Ainsi, il donne vie à ses peurs et à ses désirs en posant un geste radical dont la conséquence est la destruction totale. »


La première série de représentations est déjà sold out. Votre célébrité télévisuelle constitue constitue-t-elle un obstacle ou une bénédiction ?


« Je trouve fantastique que les personnes aient envie d’aller au théâtre parce qu’elles ont eu un petit aperçu de mon travail. Et je suis sûr que cette pièce va faire se délier les langues. Parce qu’il est question de désir, du fait d’être désiré. Et ça, c’est quelque chose que tout le monde connaît, non ? »


De Morgen, novembre 2009

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