: Comment mettre en scène les Aventures de Nathalie Nicole Nicole
« Tout le monde me dit "J'adore le texte! Mais je ne vois pas du tout comment on peut
mettre ça en scène! Bonne chance!" "Merci" je dis parce que je suis polie.
Puis je tremble dans mon lit. Je fais des insomnies. Je fais des rimes sans m'en rendre
compte. Je bois beaucoup d'eau moi qui n'en buvait jamais.
Pourtant les textes de MARION AUBERT sont à l'évidence faits pour être mis dans la bouche
des acteurs. Ils sont comme un chewing-gum qu'on mâcherait et qui, loin de perdre sa
saveur, aurait sans cesse un nouveau goût.
Dès qu'un acteur (s'il n'est pas trop mauvais ou s'il l'est suffisamment pour être génial)
lit du MARION AUBERT à haute voix - s'il ne réfléchit pas et avance comme on marche - les
mots sont à leur aise et jaillissent comme autant de diables hors de leur boîte. Ils
envahissent toute la pièce.
C'est un souk sans nom. (Tout le monde se met à parler trop fort et à danser des danses
absurdes. Tout le monde est en transe, comme possédé. On fait des rêves horribles.)
C'est le texte qui guide les acteurs, qui me guide.
Tout ça c'est bien beau, mais concrètement! (l'administratrice me demande toujours d'être
plus concrète dans mes notes de mise en scène. Elle m'a à l'usure.)
Avec DANIEL FAYET, le scénographe, nous tentons de donner aux acteurs des espaces et des
accessoires modulables qui, loin de les écraser ou de trop les contraindre, multiplient
les possibilités ludiques.
Nous travaillons sur une idée de jeu de construction, de hauteurs différentes,
d'échafaudages et de petites maisons transformables, sortes de boîtes magiques, aux
échelles et aux fonctions diverses.
Le monde vertical (les hauteurs, les paliers) appartient aux adultes et l'espace
horizontal, tout près des spectateurs, est celui des enfants. Evidemment les deux mondes
font intrusion l'un dans l'autre.
Une grande porte solitaire est là pour rappeler cette intrusion, pour jouer une entrée,
une sortie, pour être claquée, pour rester entrouverte ("tu laisseras la porte
entrouverte, j'ai peur dans le noir").
J'aimerais retrouver avec les acteurs, la véracité, la férocité, la précision des jeux que
s'inventent les enfants.
Recréer une sorte de monde parallèle, où seul le jeu est important.
Ces jeux apparemment sans conséquence auxquels se livrent tous les personnages (adultes
compris), les marquent en fait profondément, les entaillent, les fragilisent.
Et la réponse est toujours la même: "Allons gaiement nous jeter face contre un mur!
Crions! Rions! Mourons! Et puis recommençons!".
Mais quel est notre but finalement?
Créer sur le plateau un espace de liberté sans limite, un espace dangereux, méchant,
jubilatoire, propice aux fous rires, à l'exaltation, au grotesque, au tragique (oui rien
que ça).
Une sorte de vie réelle, scrutée au travers de lunettes déformantes. Mais pas si
déformantes qu'on aimerait le croire.
Une vie plus colorée, plus sombre, plus tranchée, plus folle.
Faire un concentré. De l'essence de désespoir. De l'essence de joie. Et y craquer une
allumette. »
Marion Guerrero
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