Après presque quatre ans de travail, nous arrivons au bout de la route de la création des Vivants et des Morts. Je le pensais comme un projet pharaonique pour notre compagnie. Il a été finalement celui de l’âge adulte, de la maturité. Le texte de Gérard Mordillat nous a obligés à rester au contact de la société et de produire un théâtre en regard sur le monde, ouvert sur l’autre. La crise financière, qui secoue aujourd’hui l’économie, nous rappelle la pertinence et l’actualité du propos de Gérard Mordillat. Chaque jour, pendant toute la préparation de ce projet, des villes ont perdu des usines, des salariés, et ont gagné des chômeurs, des exclus, de la misère.
Heureusement, Mordillat ne se contente pas de dresser ce triste constat, mais analyse le système industriel, et refuse toutes vérités trop vite acceptées et jamais contestées. La vie n’est pas un long fleuve tranquille, nous le savons, c’est une lutte de chaque instant. Mais une lutte qui nourrit, qui donne du sens à nos vies et qui nous demande à rester, au fil des années, acteurs de notre destinée.

Ce spectacle m’a permis d’affirmer un langage dramatique que j’expérimente depuis une dizaine d’années et de prolonger ma recherche, en particulier, sur la confrontation du théâtre aux pratiques culturelles dites mineures, comme la télévision.

Traiter la problématique du travail et des conflits sociaux nous a obligés à questionner le théâtre sur son pouvoir à montrer la réalité. Chaque épisode a été l’occasion de redéfinir, à chaque fois, les codes de la représentation théâtrale.

Les Vivants et les Morts est un spectacle romanesque qui parle non seulement d’engagement, de crise sociale, du monde du travail, mais aussi qui interroge la capacité du théâtre à être « ici et maintenant » tout en acceptant son rôle d’art populaire.

Julien Bouffier

22 octobre 2008