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Les Interrompus

+ d'infos sur le texte de Vincent Ecrepont
mise en scène Vincent Ecrepont

: Notes de lecture

Ceux qui sont morts ne sont jamais partis :
Ils sont dans l’Ombre qui s’éclaire, ils sont dans l’Eau qui coule, ils sont dans la Foule.
Les morts ne sont pas morts.
Bigaro Diop, Leurres et lueurs


Maman ? Maman ! Maman …
Ça commence comme ça, par des appels qui restent sans réponse. Les mères ne viendront pas, les pères non plus. Ni les frères, ni les soeurs. Ce sont des enfants, pour certains des bébés ; ils nous parlent, ils s’écoutent. Et ils sont morts.
Ils ont été « interrompus », mais sur le plateau, nous ne pouvons plus les arrêter. Parce que l’auteur nous dit « voilà, on dirait qu’ils sont vraiment morts mais qu’ils vieillissent comme nous ; on dirait qu’ils nous verraient, nous parleraient, mais qu’on ne peut plus leur répondre, et puis on verrait ce que cela fait de les écouter … »


« les interrompus » nous dérangent. Le théâtre parle pourtant de mort autant que de vie, ses conventions permettent la rencontre des vivants et des morts, mais le « quatrième mur » nous protège. Nous acceptons bien sûr qu’il se fissure parfois, que les personnages nous interpellent … Mais il s’agit là de bien autre chose : ce texte ne parle que de la mort, ne laisse parler que les morts, et les morts ne sont que des enfants. Il fallait beaucoup de violence, de liberté et de douceur pour que cette écriture soit audible, pour que ces transgressions soient acceptables, même au théâtre.


Où sont ces enfants ? Ils ont grandi autant que les vivants ont vieilli dans leur deuil. Et les voilà qui pensent comme des grands. Ils ont continué de regarder la vie après eux, d’observer la suite des familles dont ils ont été arrachés. Où sont passés nos enfants morts ? Ces absents flottent dans des limbes modernes, sans dieu. L’Église vient de supprimer ces Limbes d’un trait de plume. Ici, ce n’est pas l’errance, ni l’attente d’un dernier jugement. Ils ne reviennent pas : ils ont toujours été là, de l’autre côté, en équilibre sur la lisière, au-delà du bien et du mal.


Peut-être que les mots fous de ces petits morts nous apaisent. Ils ne nous laissent pas tranquilles en tout cas, ces petits. Si l’auteur ne nous voulait que du bien, cela ne suffirait pas. Au fond, nous travaillons avec leurs mots, entre le rire et quelques larmes, en traversant les fragments de leurs vies interrompues. Et peu importe qu’ils disent vrai. Voilà nos peurs d’enfants et de parents, nos terreurs de séparation, voici les contes dont nous n’avons jamais été dupes et les petits cailloux blancs que nous n’avons plus, voilà les pauvres histoires dont nous nous berçons pour apprivoiser l’absence, entre les figures du destin et celles de la providence, celui qui croyait au ciel et celui qui n’y croyait pas … oui, tout cela est pour nous. Qui pourrait dire que cela ne le regarde pas ?


Enfin l’auteur les interrompt sans donner le dernier mot. C’est à nous de mettre un terme au simulacre de la représentation, à nous d’écrire la fin intime de ces histoires partagées.
Mais du côté de la vie, avec nos mots vivants.

Cyril Seassau

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