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Léon Blum, une vie héroïque

+ d'infos sur le texte de Philippe Collin

: Entretien avec Charles Berling et Philippe Collin

Propos recueillis par Mélanie Drouère pour le Printemps des Comédiens

Philippe Collin, à l’origine de ce projet, il y a une série de podcasts : qu’est-ce qui vous a donné envie de travailler autour de la figure, la personne et le destin de Léon Blum sous cette forme particulière ?


P. C. : Nous avions précédemment produit des séries de podcasts sur des personnages assez sombres, tels Pétain, Poutine, ou Bonaparte. Charles a d’ailleurs incarné la voix de Philippe Pétain. Comme première impulsion, nous avions donc le désir d'aller vers une figure plus joyeuse (rires), réjouissante, positive. Par ailleurs, il y a ceci que nous traversons une période où la gauche, dont on pourrait penser qu’elle est unie, est en réalité totalement déconstruite, pleine de tensions, et Léon Blum est une sorte d'incarnation d'une gauche disparue. Il s'agit de mettre en scène en 9 heures le destin d'un personnage dont on a oublié l'intensité de l'héroïsme. C’est un héros à la Julien Sorel, qui est d’ailleurs son grand héros à lui ! Comment s'accomplit-on soi-même ? Comment faire de sa vie une forme d'héroïsme ? Voilà l'esprit dans lequel nous nous sommes attachés à produire cette série. Par la suite, je crois que je suis vraiment tombé amoureux de Blum (rires), ça a entraîné une sorte de rapport très particulier qui se ressent dans le récit que nous avons mis en place avec Violaine Ballet, c’est assez subjectif, en tout cas plus que tous les autres.


Actuellement, vous êtes en train de réfléchir ensemble à une transposition de cette série en spectacle immersif, à une mise en voix et à une mise en scène de ce projet, en grande partie porté par vous, Charles Berling...


C. B. : J'ai rencontré Philippe Collin lors du projet de podcasts sur Pétain, qui avait déjà en tête ce projet Blum pour la radio. Il m'a clairement demandé si je pensais possible et pertinent de faire du théâtre avec ce projet. J'ai tout de suite répondu positivement, parce que cette proposition faisait écho à la pratique du théâtre que j'aime particulièrement développer ces dernières années autour des questions suivantes : qu'est-ce que le théâtre participatif ? Comment dé-verticaliser la pratique même du théâtre ? Comment inviter les gens dans nos théâtres à participer eux-mêmes à cet art du spectacle vivant ? Comment faire en sorte que les théâtres retrouvent leurs missions et leur attractivité d'agora publique ? Comment les recentrer dans l'imaginaire public et dans la discussion publique ? J’ai donc suggéré à Philippe, non pas de construire ensemble un spectacle sur Léon Blum, mais un événement théâtral participatif. C'est Eric Bart du Printemps des Comédiens qui a trouvé cette formule que je trouve absolument parfaite.


En quoi consiste cet événement théâtral participatif ?


C. B. : Il s’agit de se décaler totalement de l’idée de produire un spectacle de 2h30 sur Blum. Faire du théâtre à l’appui de cette émission consiste pour nous à la prolonger en prenant le temps de développer un personnage, une personne, une figure historique exactement comme le fait Philippe dans ses émissions. Neuf heures, ça laisse le temps de la nuance. Pour moi, aujourd'hui, il est important que les théâtres soient des endroits de nuances, et non pas une énième plateforme où l’on assène, juge, où l’on définit des personnes et des situations - à l’instar des réseaux sociaux - en une phrase, un commentaire, voire un « like ». Le théâtre est l'endroit qui donne le temps de se parler et de s'écouter. Nous souhaitons donc faire un événement théâtral participatif de 9 heures, de la même durée que l’émission. Bien entendu, il y a une conception, mais nous ne fabriquons pas un spectacle ; nous préparons un événement comme on prépare une rencontre, pour y intégrer des personnes qui l'auront préparée de leur côté.


Comment procéderez-vous pour intégrer des personnes du territoire occitan au sein de ce projet ?


C. B. : Il y aura une rencontre entre des amateurs, une chorale, un orchestre amateur, un chorégraphe, des enfants, des vieux, des jeunes, que nous inviterons à participer à cet événement et dont ils seront des parties actives. Aussi, Hélène Bensoussan qui m’assiste dans ce projet va venir chez vous au Domaine d’O pour voir avec la chorale comment préparer les chansons, comment mettre en place le chœur antique, comment s'emparer des mouvements du chœur et du cœur (sourire). C’est tout cela que nous préparons : là où un spectacle demande des répétitions puis des filages, nous composons différents éléments et parties, que nous allons assembler en direct. C'est en cela qu’il s’agit d’un événement. La radio, son univers sonore, son imaginaire, et le théâtre font bien meilleur ménage que la télévision et le théâtre par exemple. Cet événement permettra en fait aux gens d'assister à une forme de longue émission de radio, mais en direct et en plein air aux Micocouliers, et, surtout, d'y participer. Et ça, c'est génial. Les Micocouliers, c'est comme une arène : les gens se verront, pourront se parler, confronter leurs points de vue.


Cet événement est scindé en deux parties, sur deux jours consécutifs, et complété de moments de convivialité un peu « hors champs ». Pouvez-vous préciser ce dispositif ?


C. B. : Le premier jour, ce moment sera un écho au banquet républicain, dans l'allée qui regarde le château, endroit absolument merveilleux, dans lequel nous disposerons de longues tables, pour y accueillir comme un grand buffet campagnard. Le second sera un bal populaire, qui se déroulera vraisemblablement aux Micocouliers, et nous pourrons accueillir les gens dans l'espace vert face aux Micocouliers pour un apéritif, des discussions, des pauses.


P. C. : Initialement, le projet est prévu sur une session de 10 heures et le Printemps des Comédiens nous a demandé de réfléchir à deux soirées. C'est ce récit-là que nous allons donc scinder, ce qui donne deux parties d'environ 5 heures qui vont raconter la vie de Léon Blum de manière chronologique, mais aussi un peu thématique évidemment, puisque chaque section de sa vie correspond à un climat d'histoire de France. Nous croisons à la fois ses oppositions, ses soutiens, ses révolutions, etc. Mais nous les avons conçues comme un programme qui raconte la vie de quelqu'un, avec des éléments saillants que nous mettons en évidence pour maintenir une tension dramatique sur la longue durée.


C. B. : Le travail de Violaine et de Philippe consiste à réduire les 9 heures de podcast à 6 heures de matière, pour que nous puissions précisément intégrer les participants, les questions, les débats, le banquet et le bal. Nous invitons les participants à une sorte de visite dans l'histoire, ce qui suppose de réduire la matière de narration pour laisser de la place à cette respiration humaine.


Vous déjouez donc aussi le théâtre « classique » en ce sens : en travaillant davantage sur la narration que sur l’incarnation ?


C. B. : Totalement, la dimension radiophonique est conservée pour ce projet dans ce but précis : mettre en avant le propos et l’Histoire extraordinaire du grand homme qu’a été Blum et y intégrer des moments de théâtre : par la parole directe de Blum (que j’incarne), ses discours, ses poèmes et la parole savante des historiens qu’incarne Bérengère Warluzel.


Charles Berling, nous allons vous voir à deux occasions au Printemps, pour ce projet-ci et lors de vos retrouvailles avec Ivo van Hove, dans Après la répétition / Persona de Ingmar Bergman. C'est magnifique et complémentaire : d’un côté, vous préparez un événement qui aborde le théâtre sous un angle très particulier, de l’autre vous prenez en charge un texte très théâtral, sur la relation entre le théâtre et la vie...


Il y a en effet là une belle cohérence et je suis très heureux de venir pour la première fois au Printemps des Comédiens avec des bagages aussi remplis (rires). Je suis par ailleurs ravi de travailler sur ces textes, Après la répétition et Persona de Bergman avec Ivo. C'est un peu comme pour Vu du pont, Ivo arrivera avec sa mise en scène et nous, les nouveaux acteurs, allons nous y inscrire. Daniel Loayza va en écrire une nouvelle traduction. Le sujet me plaît énormément ; je me réjouis de retrouver Ivo sur ce spectacle que j'ai vu et qui était splendide. Il y a une chose magnifique avec Ivo, c'est que la mise en scène est tellement belle et forte que l'on peut rentrer dedans sans jouer de la même façon que les autres acteurs. C'est-à-dire que nous, les nouveaux acteurs, pouvons y trouver notre propre chemin. La mise en scène c'est exactement ça : comment faire pour que les protagonistes, ceux qui sont sur le plateau, puissent avoir une contrainte apte à les libérer ? Je trouve qu'Ivo est un grand metteur en scène parce qu'il donne aux acteurs l'occasion de s'exprimer très fortement dans un cadre extrêmement précis. Ici, à Toulon, pour « Théâtre : mode d'emploi », nous avons travaillé sur ce sujet : qu'est-ce que le théâtre aujourd'hui ? Pourquoi et comment se fabrique-t-il ? Là, je regarde le texte de Bergman, j'ai trois mois pour m'immerger dedans : ça parle de théâtre et de choses qui me touchent profondément.



  • Propos recueillis par Mélanie Drouère, le 12 février 2023
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