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: Extraits

Première partie
Encyclopédie des calamités
Extrait


Les comètes passent
Les astres tournent
Le cosmos tremble
Les planètes dansent
Mais c’est toujours un même long et interminable cri.
Les solstices et les équinoxes se remplacent
Mais nul repos, nul répit pour la mort que les hommes infligent aux hommes.
L’univers baigne dans le sang.
L’éternel retour des hommes
C’est l’éternel retour du mal…


Ici les riches se gobergent
Là les pauvres meurent de faim
Ici les palais, là les taudis
Ceci expliquant cela.
L’or brille ici, la crasse pue là
Le diamant scintille ici, la tourbe fermente là
L’argent triomphe ici, la faim tue là
L’un meurt de trop manger
L’autre meurt faute d’avoir mangé
L’un creuse sa tombe avec ses dents
L’autre vit chaque jour dans un tombeau.




Deuxième partie
Vertu des consolations
Extrait


Je veux prendre le temps de planter un arbre, au moins
De le regarder grandir
De le voir pousser par ma fenêtre
De le savoir dans l’ombre d’un grand chêne jadis planté par un ancêtre
Un arbre pour y lire les saisons
Comme avec un calendrier naturel et perpétuel
Bourgeons collants aux doigts des enfants
Poils et duvets sur un miel parfumé
Suc végétal d’une âme animale.
Les feuilles enroulées, lovées, pliées
Puis lentement dépliées, déployées
Fripées, blanches au dessous,
Vertes en surface
Aspirant l’oxygène du monde
Découpant dans l’air des silhouettes dentelées
Lancéolées.
Brindilles d’abord, ramures ensuite, fortes branches enfin
Sa forme apparaîtra un jour dans l’espace
Ronde et ventrue pour un tilleul
Dirigée vers le ciel comme une lance pour un if
Buissonnant, rouge, pour un noisetier
La superposition des accents circonflexes du sapin
Peu importe…
J’aimerais un chêne pour en débiter les planches
Les entreposer sous un hangar en bois
Laisser sécher
Attendre l’âme et voir durcir les lattes blondes
Epuiser la sève
L’entendre parfois craquer, la nuit, après une journée de soleil ardent
Savoir qu’il vit encore
Et enseigner à l’ami qu’il faudra, avec ces planches,
Me fabriquer un cercueil.


Alors je retrouverai la terre de mon village natal
J’irai reposer dans le cimetière où j’allais jouer enfant
Dans le jardin où déjà reposent des âmes qui avaient le même nom que moi.
Posé en terre, je retournerai à la terre
Atomes libérés d’une forme qui avait mon nom
Particules reparties vers d’autres aventures
La sérénité triomphera»


Michel Onfray
Le Recours aux forêts, extrait

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