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Slums !

+ d'infos sur l'adaptation de Thierry Bedard ,
mise en scène Thierry Bedard

: Extrait du texte

« Mais qui est l’ennemi ?


Certains experts se contentent de répondre « peu importe ». Mais un spécialiste des conflits armés urbains propose un étrange casting « d’acteurs contre l’Etat », qui comprend des anarchistes psychopathes, des criminels, des fous, des révolutionnaires, des dirigeants syndicaux, des membres de groupes ethniques … Au bout du compte, cependant, il s’en tient aux « dépossédés » en général, et aux « groupes criminels » en particulier. Et il fait part d’une inquiétude toute particulière pour la psychologie de l’enfant abandonné, car il pense – à l’instar de nombreux partisans de la théorie de la poussée démographique comme l’une des grandes causes de la criminalité -, que les enfants des bidonville sont l’arme secrète des forces contre l’Etat.


En fait, les plus grands esprits du Pentagone ont osés s’aventurer là où la plupart des chercheurs des Nations Unies, de la Banque Mondiale ou du Département d’Etat craignent de mettre les pieds : au bout de la rue. Comme par le passé, cette rue est une rue sans joie, et de fait les combattants adolescents désœuvrés de « l’armée du Mehdi » de Sadr City à Bagdad – l’un des plus grand bidonville de la planète – narguent les forces d’occupation américaine en baptisant leur axe principal « Vietnam Street ». Mais les stratèges ne flanchent pas. Il affirment désormais, avec une froide lucidité, que les « villes sauvages, saccagées » du tiers monde – et notamment leurs périphéries de bidonvilles – seront le champ de bataille caractéristique du XXIème siècle. Le Pentagone travaille actuellement à refaçonner sa doctrine de manière à intégrer une guerre mondiale à bas bruit d’une durée indéterminée contre les fractions criminalisées des pauvres urbains.


Il est là, le vrai « choc des civilisations ».


Et cette doctrine est peut-être le point extrême d’une longue histoire de la définition de l’Occident par rapport à un autre fantasmatique. Cette idéologie duelle – aujourd’hui élevée au rang d’absolutisme moral – repose sur la séparation entre d’un côté le « monde civilisé » et de l’autre, les forces obscures, « l’axe du mal » et les « nids de terroristes » des villes, supposées entretenir les malfaiteurs qui menacent la vie, la prospérité et la démocratie du monde « libre » tout entier.


Cette dialectique illusoire opposant des espaces urbains sécurisés et des espaces urbains démoniaques dicte à son tour le rythme d’un tout autre ballet sinistre et incessant : nuit après nuit des essaims d’hélicoptères de combat traquent leurs ennemis dans les ruelles des bidonvilles et des quartiers de taudis, en déchainant les flammes de l’enfer contre les baraques ou les voitures en fuite. Chaque matin, les bidonvilles répliquent par de nouveaux attentas suicides et de spectaculaires explosions. Si l’Empire a la capacité de déployer des technologies orwelliennes de répressions, ses exclus ont quant à eux les dieux du chaos dans leur camp ... »

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