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Le Nid de cendres

mise en scène Simon Falguières

: Entretien avec Simon Falguières

Propos recueillis par Francis Cossu

Vous avez écrit plusieurs Nid de Cendres avant de pouvoir enfin en livrer au public cette version finale. Comment avez-vous reconstruit cette épopée, ce conte à la fois fantastique et onirique, pour le Festival d’Avignon ?


Le Nid de Cendres est une œuvre que je travaille et qui se métamorphose avec les acteurs et les actrices de ma troupe depuis huit ans. C’est une aventure de troupe hors norme. Une pièce qui a accompagné nos vies et qui a grandi avec nous. Sur la réadaptation au plateau, je n’ai pas voulu m’enfermer dans un décor. Je voulais garder une grande liberté et ne pas me retrouver coincé dans une idée. Il fallait être malin car la pièce compte une infinité d’espaces : un appartement, une forêt, un palais de conte, le bord d’une falaise, un radeau en haute mer, un désert de cendres, les limbes, la banquise, etc. Très vite, dans nos discussions avec Emmanuel Clolus, est venu le terme de « boîte à jouer. » Un plateau nu, quelques modules déplaçables et réversibles, des chaises, des servantes pour la forêt, de la matière pour les cendres et les gravats. Il s’agit avant tout d’un terrain pour les acteurs où le merveilleux apparaîtra dans un principe métonymique. Ce qui est extrêmement théâtral et poétique. Je ne me suis jamais considéré comme un auteur mais comme un comédien poète qui écrit pour d’autres comédiens. En d’autres termes, je dirais que mon travail d’écriture est intrinsèquement lié à mon travail de chef de troupe. J’écris comme un comédien : à voix haute, et je crois que l’écriture est toujours une affaire de nécessité. Il faut trouver en soi la nécessité profonde de raconter une histoire. Pour le Festival d’Avignon, j’ai dû faire un travail complexe de réécriture. Avant, le spectacle était composé de quatre chants dramaturgiquement autonomes. Aujourd’hui, Le Nid de Cendres est composé de sept pièces plus au moins longues, écrites dans un même souffle épique et dans une continuité narrative.


L’histoire est simple : deux mondes qui s’ignorent encore, celui des rêves et le nôtre contemporain, sont en péril. Un héros, issu de chacun de ces mondes, tente de partir à la rencontre de l’autre, pour secourir son univers. Pouvez-vous nous décrire plus précisément les sept pièces qui composent cet opus ?


Ce spectacle est une déclaration d’amour au théâtre. Il déploie différents registres, le thriller, le mélodrame, la farce, le drame symboliste etc. C’est une pièce fable, épique, dramatique mais truffée de scènes comiques que j’appelle les scènes poumons. Le Nid de Cendres parle d'un monde coupé en deux. D’un côté, un vieux continent en pleine autodestruction où naît le petit Gabriel. De l’autre, un pays de conte où naît la princesse Anne. Cette double naissance inaugure une geste théâtrale faite de mille histoires. De part et d’autre, les deux héros entreprennent des odyssées, croisent les ombres errantes de Shakespeare, Homère ou Sophocle. La première pièce, Le Chant de l’abandonné, commence donc par la naissance des deux héros. Puis, le spectateur suit le drame originel. Il voit Jean et Julie en fuite dans un pays en flammes, abandonner leur enfant, Gabriel, au pied d’une roulotte de comédiens ambulants. Les comédiens adoptent l’enfant qui grandira dans les cendres du continent disparu. La deuxième pièce, Le Chant de l’endormie, se déroule dans le monde des rêves, du conte, des histoires, des présages. La reine de ce royaume tombe malade. Fou de tristesse, le roi décide d’envoyer sa fille la princesse Anne chercher l’homme qu’il a vu en rêve et qui réveillera sa reine. Anne et Gabriel s’aiment sans se connaître. Tout au long de l’épopée, ils vont tenter de se retrouver et par leur union, sauver les deux mondes en péril.


L’onirisme et le contemporain...


C’est la force et la magie du conte. J’ai cherché à ce que le public perçoive dans cette fable l’écho de notre présent mêlé aux histoires millénaires des contes. Ce sont les histoires qui rappellent à l’homme son humanité. Tout est affaire de résonance et le théâtre permet de communier avec l’humanité passée, présente et à venir. Encore une fois sans le savoir... Il suffit de voir comment, le public s’émeut du geste archaïque de l’acteur. Dans ce geste, il y a tous les gestes des acteurs passés. C’est un mystère jubilatoire. Ce n’est pas pour rien que Shakespeare avait pour livre de chevet L’Âne d’Or d’Apulée, premier conte de l’histoire, première fois qu’un homme a écrit : « Il y avait une fois, dans certaines villes, un roi et une reine...»


Vous jouez ce spectacle à La FabricA dans la première partie du Festival d’Avignon. Qu’est-ce que cela vous inspire ?


C’est extrêmement émouvant pour moi, car il s’agit de mes racines. Mon père est avignonnais. C’est à lui que j’ai dédié l’écriture de cette pièce. Il a découvert le théâtre avec Jean Vilar quand il était adolescent dans les années cinquantes. Il a même été hallebardier à dix sept ans dans sa mise en scène de Lorenzaccio ! Avec lui, j’ai suivi l’aventure du Festival d’Avignon dès mes six ans. Toutes mes grandes émotions théâtrales viennent de là. Terminer l’aventure du Nid de Cendres au Festival d’Avignon, est un coup du destin merveilleux.


  • Propos recueillis par Francis Cossu
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