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Accueil de « Le Mystère de la météorite »

: De l’écriture à la scène

Nous aussi sommes partis dans le désert de l’Adrar, nous aussi avons cherché et même cru trouver la « météorite géante » par un beau jour d’octobre, nous avons aussi marché dans les dunes de sable de Chinguetti, nous aussi avons éprouvé la fatigue et l’omniprésence de cet horizon circulaire, nous aussi avons tenté ce face-à-face avec nous-mêmes que le désert impose.
Cela était indispensable à l’écriture du spectacle. Et tout en avançant pas après pas au milieu des grès de l’Adrar, nous relisions les œuvres de Théodore Monod. Et plus nous les relisions plus nous ressentions le lien étroit qui, petit à petit, l’a uni à l’Afrique.


Du jeune scientifique rigoureux tout juste sorti de la faculté des sciences au vieil homme médiatique et alerte, quel chemin !
Il y a bien sûr une curiosité scientifique sans limite, qu’il a pu assouvir en défrichant ces terres encore vierges, en en dressant une topographie précise, un recensement quasi exhaustif de la faune et de la flore, en expliquant le pourquoi du désert, le comment de la géologie. Et le cheminement principal de sa vie : l’ouverture. L’ouverture à l’autre. Son acceptation, comme une loi fondamentale de l’hominisation de notre espèce. Comme le seul moyen de s’extraire de la « barbarie » ancestrale.


Car ce qu’il nous lègue avant tout dans son œuvre littéraire, c’est cette évolution. Bien qu’étant un homme du silence (ce qui nous fût confirmé à plusieurs reprises lors de nos rencontres avec quelques-uns de ses anciens guides !), il ne cessa d’essayer de comprendre et d’accepter « l’autre ».
Il a été happé par le continent africain et par ses habitants, comme le témoigne l’importance de sa rencontre avec Amadou Hampâté Bâ, ou encore la confiance qu’il plaçait en ses guides quand il partait pour vingt-sept jours de traversée désertique sans point d’eau, partageant leur manière d’être, leur nourriture - c'est-à-dire quelques dattes et quelques arachides par jour.


Au tout début de sa carrière on trouve dans ses livres une écriture quelque peu scolaire et analytique, puis au fur et à mesure la parole se transforme, les pierres se mettent à parler, les animaux à interpeller les êtres humains, comme dans un conte africain. Et s’il est vrai que Théodore Monod fût l’un des précurseurs d’une pensée aujourd’hui admise, bien qu’encore trop peu écoutée, s’il est vrai qu’il fût un homme de combat ne cessant de prendre position sur les évènements politiques, refusant de prêter allégeance au régime de Vichy, signant le manifeste des 121 à propos de la guerre d’Algérie, exprimant clairement son aversion pour le nucléaire par exemple, ce qu’ici nous tentons d’explorer avant tout c’est son rapport à l’altérité (l’autre pouvant être tout aussi bien homme, animal ou végétal, puisqu’il les considérait tous comme des « êtres vivants »).


Nous avons donc été amenés à écrire une forme transversale, mêlant textes, musiques, marionnettes, sons, images et acteurs de cultures différentes pour tenter sur le plateau cette « rencontre », ce rapport à l’autre et finalement raconter au mieux le trajet de sa vie.


Et sans doute, s’apercevant qu’au 20ème siècle nous n’étions pas arrivés au bout de cette problématique, Théodore Monod avoua en 1992, lors d’une interview télévisée, qu’il fallait continuer à chercher la « météorite géante ». A la chercher. Sous une dune. Quelque part. Dans le désert qui gagne aujourd’hui nos consciences.


Laurent Vacher
Benoit Di Marco

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