theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Le Musée de la mer »

Le Musée de la mer

mise en scène Arthur Nauzyciel

: Jʼai pensé que dans ce pays...

par Arthur Nauzyciel

« Nous naissons avec les morts, Regarde... »
T. S. Eliot, Four Quartets

En mai 2006, le Théâtre National dʼIslande à Reykjavik mʼa invité à venir créer un spectacle. Jʼai pensé que dans ce pays, il fallait mettre en scène quelque chose qui nʼavait pas encore été écrit. Ça mʼest venu en me promenant dans la lave, sur cette terre nerveuse et vivante. Tout ça mʼévoquait Jules Verne, la science-fiction. Sur cette île qui nous relie à de très anciens mondes, on sentait aussi alors une aspiration vers lʼavenir, un désir dʼailleurs, de nouveauté. Ça commençait à me raconter des histoires : mondes visibles et invisibles, glaces, fantômes. Jʼai tout de suite pensé à Marie. Je lui ai proposé dʼécrire cette première pièce, avec pour contrainte quʼelle soit créée en islandais, en Islande (où elle était venue souvent). Nous venions de terminer notre travail ensemble sur Ordet/La Parole de Kaj Munk, que jʼallais mettre en scène au Festival dʼAvignon, et dont Marie assurait la traduction. Jʼavais eu envie de la confier à un écrivain, parce que dans le texte, les mots, le rythme, la langue, on inscrit déjà la mise en scène et le travail avec les acteurs. Jʼai aussi voulu associer à ce projet des artistes dont jʼaimais le travail : le poète Sjon, le musicien Bardi Johannsson, la danseuse Erna Omarsdottir. Nous sommes partis sur lʼidée dʼune pièce comme une espèce de projection dans lʼavenir, qui est devenue Le Musée de la mer. Je lʼai reçue comme un cadeau et un (en)jeu, impressionné par cet univers qui allait me hanter plusieurs années.

Puis jʼai été nommé à la direction du Centre Dramatique National Orléans, où Marie mʼa rejoint comme auteur associé. Notre dialogue trouve donc aujourdʼhui grâce à cette pièce une forme concrète et nouvelle, la mise en scène du Musée de la mer, où la conscience du théâtre influe lʼécriture et où lʼécriture mʼaide à construire « mon » théâtre. Pendant les répétitions, jʼai lʼimpression de me remplir de ses rêves, elle me visite et je lʼhabite, nos inconscients se branchent ensemble – je suis un précog – comme les siamois de la pièce. Marie dʼailleurs me dit : « Il y a énormément de niveaux que tu as insérés là où je ne savais pas quʼils étaient. Je suis où je ne pense pas, je pense où je ne suis pas, et si on rajoute du « tu » là-dedans, nous y sommes... » La première nous délivre tous les deux.

Entretemps une crise sans précédent a dégonflé la bulle dans laquelle lʼIslande avait tendance à sʼillusionner depuis plusieurs années. Ce qui semblait alors dans Le Musée de la mer de lʼordre de lʼanticipation, est devenu, quelques semaines avant les répétitions, dʼune étrange actualité. LʼIslande rejoignait le monde et ses conflits, petit pays neutre à lʼinsularité menacée par lʼeffet papillon des chaos boursiers. Il nous a fallu également repenser le projet en termes de production dans cette nouvelle économie. Cela a permis dʼinscrire le spectacle à Reykjavik dans un contexte plus large que celui de la fiction. Le théâtre nʼa de sens, pour moi, que quand le processus de création rejoint le sujet même, au point où les contours de la fiction et de la réalité se confondent jusquʼà la

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.